De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le mois du patrimoine s'est invité samedi dernier avec un thème attrayant : la sécurisation de toute cette richesse engloutie dans l'Algérie profonde. Le slogan n'est pas fortuit. Il répond à une urgence thérapeutique après les pillages qu'avaient subis tous les sites archéologiques du pays, notamment durant la décennie noire. Cette thèse a été, d'ailleurs, confirmée par quelques spécialistes, dont les corps constitués lors de l'ouverture de cette manifestation à Constantine. Il a été révélé qu'en 2006 près de 1 113 pièces archéologiques étaient récupérées, contre 906 en 2008. Le mérite en reviendrait en grande partie aux services des Douanes et de la Gendarmerie nationale. C'est le transit par les frontières tunisiennes, notamment, qui constituait le gros lot de ce trafic. Cependant, il faut avouer qu'en dépit d'une législation sur le patrimoine matériel et immatériel mise en branle depuis 2004 par le département de Mme Toumi, la matérialisation sur le terrain demeure en deçà des aspirations des promoteurs de cet édit, qui associe des personnes compétentes. Aujourd'hui, la sonnette d'alarme est tirée. Tous les spécialistes s'accordent à dire que la sécurisation du patrimoine requiert, outre l'intervention des corps constitués, une sensibilisation touchant les diverses franges de la société. Car personne ne peut dissimuler le phénomène du pillage au niveau des sites archéologiques. Du moins, cet acte de vandalisme se verrait amorti par un éventuel éveil de la conscience. Un acquis à atteindre par la multiplication des actions concrètes sur le terrain tout en brandissant les textes législatifs promulgués en 2004 par le ministère de la Culture, après des études minutieuses. En outre, «la permanence interactive» au niveau de tous les espaces historiques permet une touche supplémentaire pour la sauvegarde des empreintes. La société civile bien représentée pourrait contribuer à la dénonciation des probables «effaceurs» et autres insouciants d'histoire. «Il y a deux ans, des cadres du ministère avaient sillonné tout le pays pour s'enquérir de son patrimoine dans chaque site connu. A vrai dire, la nouvelle législation est adéquate pour un nouveau comportement à la culture en Algérie», devait analyser M. Badjaja, expert restaurateur du palais du Bey, avant de s'interroger : «Est-ce vraiment suffisant de repenser l'acte du patrimoine dans son cadre de la préservation ? Cela pose certainement problème sans un dispositif fiable permettant l'acte d'un inventaire. Ce dernier est pris en charge par la direction de la culture qui est, en outre, appelée à associer des compétences pour mieux accomplir les différentes étapes, entre autres, les classements d'offices, sites provisoires … » Cette lecture de sécurisation est prise à moitié par notre interlocuteur qui estime que le patrimoine ne se résume pas à un mois. Au contraire, il est le fruit de toute une année de labeur. «Il va falloir élaborer un programme annuel» et non, dira-t-il, marquer le patrimoine par un récapitulatif car toute «l'Algérie est un monument». Sur un autre angle, la majorité des spécialistes mettent à l'index le déficit dans des programmes scolaires qui n'incluent pas des matières traitant du sujet. Ce pivot demeure incontournable pour la sensibilisation des élèves avant même d'évoquer la question de la sécurisation des richesses. «Le rôle de la société civile s'impose à plus d'un titre pour alerter les citoyens de tout âges à revivre leur histoire à travers ces ressources, et, de là, la préservation s'acquiert d'elle-même, pour ne pas dire que les corps constitués vont devoir travailler sans peine», précise notre interlocuteur en indiquant que «c'est un problème de conscience et de culture qui met en péril en grande partie notre patrimoine. Il faut le vulgariser et le mettre au diapason vis-à-vis de la population». Un autre chapitre est soulevé par M Badjaja : le capital ne doit pas être altéré par une éventuelle sélection calfeutrée. Cela entache, voire dissimule quelques phases de l'histoire. En somme, un mois durant lequel la capitale de l'Est étalera ses acquis historiques au grand public, mais avec des «oubliés». La vieille ville est en réhabilitation, notamment le palais du Bey en restauration finale. A Cirta, le musée aura sauvé la face avec un œil vigilant… en attendant la sécurisation maximale des objets de valeur qui, on le soulignera in fine aussi, interpelle un vaste champ de sensibilisation généré par les acteurs qui veillent sur ce volet.