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La prise en charge du patrimoine entre bonne volonté et manque de moyens Malgré les efforts consentis par l'état, des sites patrimoniaux toujours menacés
Le terme est lâché : «Le patriotisme culturel.» Et l'expression n'est pas le fait d'un responsable en mal d'originalité. Ces mots exposent une notion évoquée et défendue, à juste titre, par une personne qui s'exprimait ès qualités, sur un sujet qu'elle connaît et dont elle cerne tous les paramètres, endogènes et exogènes : c'est Mme Samira Benzegouta-Debache, la directrice du Laboratoire villes et patrimoine (LVP) du département d'architecture et d'urbanisme de l'université Mentouri de Constantine. Le Mois du patrimoine est une «excellente opportunité pour approfondir le débat autour de la sécurisation des biens culturels du pays. […]. Renforcer la sécurisation de ces biens et sensibiliser le public sur la valeur identitaire et historique des richesses archéologiques, souvent menacées par la contrebande, le vandalisme ou l'indifférence, sont aujourd'hui une nécessité», soutiendra-t-elle. D'autant que, pour cette année, le thème choisi pour ce mois dédié aux richesses et biens patrimoniaux est «patrimoine et sécurisation». A ce titre, Mme Benzegouta-Debache soulignera l'urgence de travailler à l'enracinement dans l'esprit des citoyens de la notion de «patriotisme culturel». Ce faisant, la prise de conscience qui en résultera constituera un véritable bouclier contre «les menaces de dépossession qui pèsent perpétuellement sur nos richesses archéologiques du fait de la contrebande et du pillage […], qui constituent une atteinte à notre identité». La directrice du LVP expliquera que ce trafic local ou international de pièces archéologiques n'est pas le propre de l'Algérie mais touche de nombreux pays, essentiellement ceux du Sud où la protection du patrimoine bute sur de nombreux écueils dont le manque de moyens, humains, matériels et financiers, n'est pas le moindre. Le trafic international des richesses archéologiques «s'effectue de façon générale des pays du Sud vers les pays les plus développés, et constitue, à plus d'un titre, la poursuite des pillages à grande échelle, inaugurés par l'ère coloniale», dira-t-elle. Conscient de ce problème, le ministère de la Culture s'est employé à dresser des barrières contre les actions des contrebandiers. Une coopération a été établie avec la police, la Gendarmerie nationale et les Douanes algériennes qui se sont impliquées dans la protection du patrimoine en créant des brigades spécialisées dans la lutte contre le trafic d'objets et de pièces archéologiques. Officiers et éléments constituant ces brigades travaillent en étroite collaboration avec le ministère de la Culture qui se charge d'organiser à leur adresse des séminaires de formation pour leur permettre de reconnaître et d'identifier un objet de valeur patrimoniale. Sur un autre plan, le ministère de la Culture a entrepris de renforcer le cadre juridique et institutionnel, ce qui lui a permis d'aplanir le terrain et d'avoir les coudées franches pour intervenir là où la nécessité se ferait sentir. L'Etat a, de son côté, consenti un effort budgétaire. Le budget de la culture augmentera sensiblement et, pour le patrimoine, on accordera au ministère de la Culture le droit de prélever des fonds sur les différents programmes locaux. C'est une première. Cette embellie financière profitera à de nombreux sites et monuments qui bénéficieront d'opérations de restauration. Mais tout le budget de la culture y passerait jusqu'au dernier centime que ça ne suffirait pas pour faire face à toutes les dépenses nécessaires à une réelle et totale restauration, prise en charge et exploitation de tous nos biens et richesses patrimoniaux. On rajouterait les budgets de deux ou trois autres ministères, des plus riches, que ça serait englouti sans pour autant parvenir à la mise en valeur de notre patrimoine comme il se doit. Pour s'en convaincre, il suffirait de voir les difficultés auxquelles font face des pays où la culture est bien plus riche pour prendre en charge leurs patrimoines. La solution ? Elle est dans l'implication de tous, secteurs, institutions et citoyens pour, si ce n'est redonner vie à notre patrimoine, le garder pour le moins en l'état et le protéger contre les dégradations, les vols et le vandalisme, en attendant que les moyens financiers, matériels et humains soient disponibles. Les spécialistes sont d'ailleurs unanimes à dire que la protection du patrimoine doit nécessairement s'inscrire dans une politique de développement durable, une politique d'Etat devant impliquer, nécessairement, une prise de conscience de tous les acteurs sociaux qui doivent s'investir dans la valorisation des biens matériels et immatériels en tant que terreau et substrat de la culture algérienne, mais aussi en tant que ressource pour l'écotourisme. H. G.