De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali En séjour à Oran pour assister à la générale de Sadma, pièce de théâtre adaptée de son roman l'Attentat, Yasmina Khadra a animé, jeudi dernier, une conférence-débat, suivie d'une vente-dédicace de Ce que le jour doit à la nuit, son dernier roman édité par Julliard en août 2008 et réédité, cette année, en Algérie par Sédia spa, une filiale du groupe Hachette-Livre. «Je voulais offrir à l'Algérie un Docteur Jivago, un Autant en emporte le vent. Je ne sais pas si j'y suis parvenu mais si ce livre réussit à concilier les gens, à les amener au pardon, c'est tant mieux», a expliqué l'auteur devant une assistance aussi conquise par le romancier qu'on ne décrit plus, qu'acquise à sa cause dans ses combats contre la bassesse, l'ignorance, la médiocrité, la censure… Bref, dans son combat pour la vie. «J'écris parce que j'aime et que je veux partager, a insisté l'écrivain algérien le plus traduit dans le monde. Lorsque vous avez beaucoup souffert, vous avez deux possibilités : soit vous devenez un être impitoyable avec son prochain, ou quelqu'un d'une incroyable empathie. J'ai la chance d'appartenir à la seconde catégorie de personnes.» L'idée de son dernier livre -dont il a répété qu'il fait sa fierté- Yasmina Khadra a raconté qu'il l'a eue en 1982, lors d'un voyage qui l'avait mené d'Oran à Tlemcen : «Je me suis arrêté à El Malah [village situé dans la wilaya de Aïn Témouchent, Ndlr] pour prendre un café, et j'ai été immédiatement séduit par sa population, j'ai aimé ses gens…. C'est ainsi qu'El Malah est devenu le village de mon œuvre la plus importante.» Une œuvre, très largement applaudie par la critique outre-mer, qui «éclaire d'un nouveau jour ce conflit ayant opposé deux peuples amoureux d'un même pays, estime l'éditeur. La grande originalité de cette saga qui se déroule de 1930 à nos jours repose sur une courageuse défense de cette double culture franco-algérienne que l'Histoire a, de part et d'autre, trop souvent cherché à renier.» Courage que des pieds-noirs, dont certains qui cachaient difficilement leur émotion, sont venus applaudir lors de la conférence-débat. Interrogé sur son indignation, exprimée à la télévision française, de voir que son livre n'a pas été sélectionné pour le prix Goncourt (attitude que certains lui ont vertement reprochée), Yasmina Khadra a expliqué que son objectif n'était pas tant d'avoir le prix que de s'attaquer à ces «citadelles inexpugnables» de la littérature qui ont écarté l'un des best-sellers de la rentrée littéraire 2008. N'hésitant pas mettre en avant sa renommée et la considération qu'il suscite (traduit en 15 langues dans plus de 30 pays, seul écrivain, avec Georges Simenon, dont les romans policiers sont traduits aux Etats-Unis, respecté dans tous les pays du monde…), Yasmina Khadra ne s'explique pas que toutes les institutions littéraires françaises se soient ainsi liguées contre lui: «Il est même arrivé qu'une délégation française fasse le déplacement aux Etats-Unis pour déconseiller que l'on me remette un prix.» Autrement dit, l'épisode du Goncourt n'est pas un cas isolé dans ce qu'il appelle «les aberrations parisianistes». Ce que le jour doit à la nuit doit être adapté au cinéma par le réalisateur français Alexandre Arcady qui, rapporte l'un des proches de Yasmina Khadra, a confié que Ce que le jour doit à la nuit est «l'un des plus beaux romans d'amour» et «le plus abouti» des œuvres de l'écrivain algérien. Il semblerait aussi qu'en plus d'un film pour le cinéma (le tournage aura lieu en 2010), il est prévu la réalisation d'un feuilleton de trois épisodes pour la télévision. Les prises de vue sur les lieux évoqués dans le roman, soit à El Maleh, Sidi Bel Abbès…, doivent avoir lieu dans les prochains jours. Ce que le jour doit à la nuit, qui a été élu meilleur livre de l'année par le magazine littéraire Lire et la radio RTL, figure parmi les dix meilleures ventes en France. Avec quelque 122 000 exemplaires vendus en France métropolitaine (selon Ipsos/Livres Hebdo), il s'était classé 21e meilleure vente de l'année 2008.