De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le livre aurait-il perdu ses lecteurs ? A priori, c'est un secret de Polichinelle dès lors que la bibliothèque municipale et les autres salles de lecture réparties à travers les arrondissements et même au niveau des communes se trouvent pour le moins en quête de visiteurs potentiels. C'est la révolution Internet qui a asphyxié ces espaces, estime-t-on en déplorant le désert dans lequel gisent des milliers d'ouvrages en manque de consultation, notamment en ce qui concerne la bibliothèque centenaire de l'hôtel de ville. Ainsi, la défection des lecteurs est attribuée à l'ouverture des cybercafés à travers tous les quartiers. D'autres soutiendront que ce n'est là qu'un alibi supplémentaire, car, depuis quelques années, la lecture est sortie des traditions sociales à Constantine. C'est une réalité à laquelle la démission presque totale des responsables du secteur n'est pas étrangère. Deux personnes occupaient une table dans la grande salle de la bibliothèque municipale lors de notre visite lundi dernier. Pourtant, par le passé, les lundis après-midi, on y trouvait beaucoup de monde. Des lycéens et des collégiens venaient peaufiner leurs devoirs et exposés avant le jour «J». Ce n'est plus le cas ces dernières années. Certes, la bibliothèque de l'APC a bénéficié d'une restauration qui a duré plus d'une année. Mais cela ne justifie pas pour autant sa mise en quarantaine par ses fidèles. «C'est une aire de lecture ouverte annuellement dont l'accès ne fixe aucune condition ni d'âge ni de sexe. La consultation des ouvrages se fait sur place. En outre, c'est le régime de la fonction publique qui est appliqué à cet endroit, s'agissant des horaires d'ouverture et de fermeture», devait nous expliquer le chef de service des affaires culturelles au sein de l'Assemblée populaire communale (APC), Mme Khebbab Fatiha. «Elle dépend de la commune qui y engage pour sa gestion 6 personnes entre agents et bibliothécaire», précise-t-elle. Ce qui fait «la notoriété» de cette «biblio», ce sont ses ouvrages dits d'ancien fonds. Ils sont au nombre de 15 060, traitant des sciences médicales, de philosophie, de littérature, de droit…Ce fonds compte aussi des Journaux officiels datant de 1967 à 2009. Les œuvres en langue nationale sont estimées à 6 497, dira la bibliothécaire, Mme Lynda Gasmi, qui nous faisait visiter l'espace, indiquant que la majorité des nouveaux titres sont acquis en fonction de la demande des lecteurs. «Nous disposons d'un registre sur lequel on note tous leurs besoins, spécialement des lycéens. Pour preuve, voici les annales et autres manuels corrigés des examens du bac et du brevet», précise-t-elle.Toujours au chapitre de l'acquisition des ouvrages, Mme Khebbab nous fera part d'une large contribution provenant des éditions réalisées dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007», laquelle contribution a été profitable à l'ensemble des salles. Il en découlait, avancera-t-elle, près de 2 775 en date de mai dernier en plus d'une seconde livraison de 785 livres qui a eu lieu en décembre 2008. Ces lots ont été dispatchés sur les 6 arrondissements où sont situées les salles de lecture (El Kantara, Boudraa Salah, Belle Vue, Sidi Mabrouk, 5 Juillet, Rachid Ksentini). Sans omettre les communes qui ont également bénéficié de ces dons (Didouche, El Hamma, Aïn Smara…). Par ailleurs, on apprend que la direction des moudjahidine avait fait don de 257 ouvrages. Ces acquisitions, qui interviennent en plus de celles «programmées», sont les bienvenues dans les rayons de la bibliothèque, se félicite la responsable. «Parfois, on bénéficie de dons émanant de quelques organismes et même par le biais des universitaires qui nous offrent leurs publications. Quant à l'alimentation à travers le budget, elle se fait annuellement selon la réglementation en vigueur», explique-t-elle. Ce qui fait la fierté de la bibliothèque centenaire de Constantine est sans nul doute son architecture mais aussi ses ouvrages rarissimes qui attirent les plus exigeants. De fait, à chaque visite d'une délégation culturelle à la ville des Ponts, un pèlerinage est accompli dans «l'ancien fonds». «Dernièrement, lors du passage des Grenoblois dans le cadre du jumelage des deux villes, un averti a lâché : “J'aimerais bien avoir un de ces ouvrages dans ma bibliothèque”», raconte le chef de service pour dire l'intérêt des œuvres mises à la disposition du lectorat. Un excellent fonds qui a été soumis à un inventaire peu avant la réouverture de la bibliothèque. Cependant, il faut savoir qu'une autre bibliothèque affiliée à la commune serait opérationnelle si tout devait se passer selon les normes. Elle est située à la cité Ziadia, couvrant une assiette de 500 m2. «L'entreprise chargée de l'œuvre est en place», nous ont fait savoir les responsables. Une fois opérationnelle, elle partagerait la tâche avec «sa jumelle» qui sera consacrée uniquement à la lecture «de l'ancien fonds». A vrai dire, ce ne sont pas les espaces de lecture qui font défaut à Constantine. Si, en plus de celles évoquées, on ajoute la bibliothèque du centre El Khalifa qui subira incessamment son second lifting, après un premier peu convaincant en matière d'aménagement, il y a de quoi satisfaire un large lectorat. Mais ce sont les lecteurs qui manquent. Cela étant, il apparaît que le travail à accomplir est dans la promotion du livre et de la lecture publique, à travers des séances de lecture au profit des moins jeunes, par exemple. C'est ainsi qu'on pourra cultiver l'amour de la lecture et du livre qui pourra égaler, voire surpasser l'Internet.