Le métier d'entraîneur est incontestablement d'une extrême difficulté. C'est un laborieux exercice d'équilibriste où il ne suffit pas de cravacher très dur pour réussir. La mission d'un coach dépend en effet de beaucoup de paramètres extérieurs. En plus de la préparation physique, technique et psychologique des athlètes, il y a un tas d'impondérables qui peuvent contrarier tous les efforts du manager. Les moyens matériels, la gestion administrative, la prise en charge médicale, l'attitude du public, la stabilité de l'effectif et les humeurs des uns et des autres sont, pour ainsi dire, des considérations à gérer au jour le jour pour éviter l'épée de Damoclès qui reste suspendue en permanence au-dessus de sa tête. Le sélectionneur travaille tout le temps sous pression. Au moindre couac, c'est sa tête qui tombe. Précarité et non-respect du contrat de travail pour une immanquable «insuffisance de résultats» font partie intégrante de la vie quotidienne des coachs. Ils sont couramment jetés en pâture pour soi-disant réconcilier l'équipe avec son public qui exige naturellement des trophées et des prouesses techniques constamment renouvelées. Malgré une formation de plus en plus pointue et une longue expérience sur les terrains, le sélectionneur demeure une proie facile et une victime expiatoire qui saute comme un fusible à la moindre contre-performance. Cette vérité amère est d'autant plus concrète dans les compétitions où le mot professionnalisme est manifestement usurpé. Nos championnats nationaux constituent à ce sujet un mauvais exemple de stabilité dans la mesure où «la valse des entraîneurs» est en passe de devenir une coutume locale qui fait les choux gras de la presse spécialisée. Dans toutes les disciplines sportives, l'entraîneur représente immanquablement l'agneau qu'on sacrifie pour racheter «les péchés» de tous les autres acteurs. La DI de football, par exemple, a consommé plus d'une trentaine d'entraîneurs depuis le début du championnat. Dès l'entame de la saison, la pression est partout insoutenable. L'insécurité et la violence aux abords des stades ont atteint un seuil intolérable. Les soupapes sautent l'une après l'autre. Les galeries, travaillées au corps par des «oppositions opportunistes», ne tolèrent aucun faux pas. Elles se font plus menaçantes que jamais. Les dirigeants en place se livrent à une délicate gymnastique pour se tirer d'affaires. Comme toujours, les entraîneurs en constituent les victimes sacrificielles. Devant la difficulté, les «présidents» chargent l'équipe technique pour se mettre, eux-mêmes, à l'abri des explosions de colère. Par dizaines, les coachs rendent leur tablier. La même situation dramatique est également vécue par les sociétaires de la super DII. Les divisions inférieures n'échappent pas non plus à cette déstabilisation systématique. Dans d'autres disciplines comme le volley-ball, le hand-ball ou les sports individuels, cette agitation –même si elle n'a pas encore atteint ce seuil critique- est aussi omniprésente. L'instabilité incessante aux commandes se solde, bien entendu, par des échecs et des errements qui coûtent cher. S'il est vrai que la «valse des entraîneurs» n'explique pas tous les déboires du sport national, elle révèle, en revanche, la mauvaise gestion et les défaillances des staffs dirigeants qui succombent facilement aux «chants des sirènes». L'incompatibilité entre les coachs étrangers (européens, notamment) et leurs employeurs locaux illustre le populisme et les manipulations des apparatchiks qui président aux destinées de la quasi-majorité des ligues et des formations locales. La véritable refonte du système sportif doit commencer à ce niveau. Il appartient aux responsables à tous les niveaux d'instaurer un code d'éthique ou une charte professionnelle pour séparer les pouvoirs et situer les responsabilités de tout un chacun. La carrière d'un entraîneur -comme celle d'un athlète, d'ailleurs- ne peut dépendre indéfiniment de l'humeur d'un affairiste qui, hélas, n'a pas nécessairement de compétences en la matière. Les entraîneurs, à leur tour, doivent aussi s'organiser pour défendre leur métier, d'abord, et leurs droits ensuite. Car, aujourd'hui, aucun technicien ne peut raisonnablement organiser sa propre carrière. Chacun doit payer pour ses erreurs, à commencer par les dirigeants, les entraîneurs, et les joueurs, ensuite. Le ministère, la fédération et les clubs ont du pain sur la planche pour instaurer un minimum d'organisation dans tout ce «foutoir». Ils ne peuvent moralement se soustraire à cette responsabilité élémentaire. Les instances du sport ont récemment pris la décision de limiter à 2 par phase (aller et retour) le nombre de changements d'entraîneurs. C'est un début. Il faut encore réfléchir. K. A.