La salle El Mouggar a accueilli, vendredi dernier, dans le cadre du programme hors compétition (off), la pièce intitulée le Cercle de la passion baghdadienne présenté par le Cercle du cinéma et théâtre de la troupe nationale de la représentation d'Irak. D'emblée, les spectateurs sont surpris de trouver au milieu de l'allée de l'orchestre une petite estrade et deux écrans sur les deux côtés supérieurs du mur de la salle. Apparaît alors sur scène la dramaturge et comédienne irakienne de renom Aoutef Naim, qui a écrit et mis en scène la pièce. Elle déclare au public : «A travers ce spectacle nous illustrons la passion des artistes irakiens pour le 4e art et la volonté de poursuivre la création, malgré les blessures encore béantes et les tourments qui enflamment le pays. A travers cet art qui est le miroir de la vie mais aussi un moyen d'atteindre la lumière et de catharsis à nos problèmes quotidiens, je convie tous les présents à savourer ces instants de distraction artistique où l'humour est le meilleur moyen de briser les murs du silence dans l'espoir que le cercle de la passion baghdadienne soit celui de la passion de tout l'Irak» Le public, qui avait les yeux rivés sur scène, impatient de découvrir le spectacle, est surpris par l'entrée du comédien Aziz Khayoun par l'une des portes latérales de l'orchestre, entonnant, tel un meddah, un chant irakien, accompagné du comédien Samar Mohamed, après s'être frayé un chemin entre les sièges des spectateurs. Les deux comédiens prennent place sur la petite estrade au milieu de l'orchestre. Dès cet instant, toute la salle El Mouggar est transformée en espace de représentation théâtrale. L'orchestre, le balcon, la scène, les images des comédiens transmis sur les deux écrans qui défilent selon l'intensité du moment. Dès lors, les spectateurs ont été emportés dans un tourbillon de prouesses esthétiques, redonnant au 4e art son sens noble du terme. Le mythe ancien du juge qui doit départager les deux mères revendiquant le droit de garder l'enfant, est revisité à la sauce Aoutef Naim, avec brio. Aziz Khayoun, qui interprète le rôle du juge doit départager entre la femme du dirigeant suprême de la nation et sa servante qui réclament toutes deux le droit de garder l'enfant. La femme du dirigeant explique que, lors du bombardement de la ville, elle a fui avec son mari en emportant vêtements et parures et a oublié son enfant. Maintenant que son mari est revenu au pouvoir, elle a le droit de récupérer la chair de sa chair. Nora, la jeune servante, rôle campé par Farah Tah Derwich, explique que, lorsque tout le monde a fui le palais, elle s'est retrouvée seule avec l'enfant qu'elle a sauvé et protégé de l'ennemi. Elle affronté les médisances, la faim, la peur pour préserver l'enfant et l'éduquer avec tout son amour comme si c'était son propre enfant. Elle revendique la maternité de l'enfant car c'est grâce à elle qu'il vit encore et surtout qu'elle ne pourrait pas vivre sans lui. Lors du procès, la mère biologique arrache violemment le jeune enfant des bras de sa servante qui la laisse faire, de peur de faire du mal à l'enfant. Cet acte d'amour sera décisif et permettra au juge de trancher en faveur de la servante sous les applaudissements du public. Au final, au-delà de la trame elle-même, la pièce est une satire où le burlesque donne la répartie à la tragédie à travers un regard lucide sur la situation actuelle en Irak, où la corruption, les passe-droits, la lutte pour le pouvoir, l'ingérence de pays étrangers, le non-respect des lois fondamentales et le désarroi du peuple face à l'insécurité d'un pays qui se déchire au milieu des flammes. A propos du choix de sortir de la scène et être en contact direct avec le public, Aziz Khayoun explique : «Certes, c'est une approche théâtrale développée par les écoles européennes, dont l'une des figures de proue est Stanislavski. Mais, en vérité, c'est une approche qui existe déjà dans les pays arabes avec la tradition du goual. Nous nous sommes réappropriés nos racines théâtrales et les avons adaptées aux contraintes de la dramaturgie actuelle dans l'esprit d'El Fordja». Lors du tomber du rideau, le public, subjugué par la qualité de cette œuvre, gratifiera la troupe irakienne des plus longues minutes de standing ovation qu'ait jusque-là connues l'Edition El Qods du FNTP. S. A. Appel à la création d'un fonds arabe de financement de pièces sur la Palestine Les participants au colloque international sur la cause palestinienne dans le théâtre arabe, qui s'est tenu en marge du 4e Festival national du théâtre professionnel, ont appelé à la création d'un fonds arabe de financement de la production théâtrale sur la cause palestinienne. Le document final de la rencontre a évoqué l'idée de formation d'une troupe palestinienne qui bénéficiera du soutien des ministères arabes de la Culture, en appelant ces derniers à consacrer une partie de leurs budgets pour le 4e art aux œuvres relatives à la cause palestinienne. Dans l'objectif de répertorier les œuvres élaborées dans ce domaine, les participants ont appelé à la mise en place d'une commission arabe qui siégera à Alger et sera chargée de la création d'une bibliothèque comprenant toutes les œuvres théâtrales et les textes littéraires traitant de la cause palestinienne et dont le fonds sera mis à la disposition des nouveaux chercheurs. Les hommes de théâtre arabe ont appelé à l'adoption de nouvelles approches qui serviraient cette question loin de toute passion ou slogans stériles. Ils ont, également, souligné l'importance de traduire les meilleurs textes arabes écrits dans ce sens vers différentes langues internationales. A la clôture de ce colloque, les participants ont convenu de consacrer la prochaine session au théâtre maghrébin.