Photo : A. lemili Il y a cinq ans, le groupe Eriad lançait le projet de réalisation d'une tour d'affaires sur 10 niveaux en plein centre-ville. Le groupe spécialisé en agroalimentaire voulait tenter cette opération, qui n'a rien à voir avec ses activités originelles, dans le cadre d'un fourre-tout administratif, en vogue à l'époque, consistant en la qualification générique de redéploiement. Il est vrai qu'Eriad disposait d'une fortune dans ses comptes bancaires, mais une fortune dormante qui avait besoin d'être régénérée autrement que par l'accumulation d'intérêts dérisoires résultant de ses dépôts auprès de différentes succursales de banques. L'ambition du staff managérial de l'époque était indéniable et le choix sans doute judicieux, sachant l'indigence de la ville de Constantine en matière de conditions d'accueil de manifestations dans la perspective du décollage économiques tous azimuts auquel était promise la wilaya ou du moins selon les projections des différents walis qui s'y succédaient. Ambitieux, ce projet, ayant obtenu le feu vert de la tutelle en premier, a été confirmé lors d'une rencontre conviviale à laquelle étaient présents Mohamed Nadir Hamimid, wali, de hauts responsables de l'entreprise concernée, des représentants du conseil d'administration du holding et même celui d'un ministère. N. Djaou, au nom du groupe Eriad, prendra l'engagement de livrer la tour dans un délai qui n'excèderait pas trois années : «La structure sortira du sol dans une année [17 avril 2005, ndlr]. A ceux qui affirment que le projet est irréalisable en raison de la mobilité des sols, une étude de faisabilité établie par un bureau d'études local à la réputation forgée et confirmée par le Laboratoire national des travaux publics de l'Est, nous leur donnons rendez-vous au jour de la livraison de la tour.» Quelques milliards seront engagés pour l'entame du projet, lequel s'arrêtera rapidement sans que des explications soient données. Ensuite, l'espace concerné sera entouré d'une grille dont l'objectif était plus d'extraire au regard des citoyens un échec confirmé que de continuer les travaux dans la discrétion et surtout pour éviter des désagréments aux riverains. En fait, les responsables se refusaient à avouer que l'étude de faisabilité ne tenait pas la route, pour ne pas dire qu'elle avait été galvaudée en ce sens que toutes les assurances données au sujet de la nature des sols, notamment en profondeur, étaient tout bonnement erronées, sachant que les équipes chargées du creusement ont eu vite fait de se retrouver en présence de terrain meuble à peine les dix mètres atteints, alors que les pieux devant assurer la stabilité de la structure exigeaient une trentaine de mètres au minimum. A l'époque et pour se justifier sur cet impondérable si tant est qu'il en fût un parce qu'il semblerait des plus clairs que c'est l'étude de faisabilité qui avait été faite avec le plus grand dilettantisme, les responsables répondront que cela «n'était pas aussi dramatique qu'il paraissait et que le coup était rattrapable dans la mesure où d'autres arrivent bien à implanter des stations off-shore dans des mers plus hostiles». Sauf que les autres savaient ce qu'ils entreprenaient. Quoi qu'il en soit, après avoir, non sans obstination, défoncé des portes ouvertes, surtout pour ne pas perdre la face, les responsables s'enfermeront dans le plus grand mutisme et le projet tombera dans l'oubli graduellement, laissant dans un espace où était érigée naguère une partie des services commerciaux d'Eriad une plaie sommairement cachée par une palissade. Pour l'anecdote, même la tentative de vente par adjudication du terrain n'a pas abouti, les éventuels acheteurs étant certainement conscients du risque encouru dans l'investissement dans un terrain implanté sur des sols… dont la précarité n'est pas à écarter. L'histoire ne dira pas non plus le montant des dépenses engagées pour ledit projet, et le nouveau directeur général d'Eriad, rencontré lors d'une cérémonie officielle, a courtoisement décliné une réponse à notre question.