Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Les quelque 7 200 travailleurs du complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar (Annaba) sont en grève illimitée depuis hier et, apparemment, le conflit opposant la direction au panel des négociateurs n'est pas près de trouver une solution au vu de la position intransigeante des deux parties. Hier, toutes les installations, ateliers, hauts-fourneaux, unités de production,services des ventes et de maintenance, étaient paralysées, les travailleurs ayant suivi massivement le mot d'ordre de grève lancé par le porte-parole des travailleurs, la veille suite à l'échec des négociations. Il n'y avait que le service minimum qui était assuré par des ouvriers toujours en poste au niveau de l'infirmerie, des postes de garde, de la distribution de l'énergie ou encore du côté des services de lutte contre les incendies. «L'activité», elle, était plutôt du côté du meeting organisé hier vers 10 heures du matin par le panel des négociateurs avec à leur tête M. Smaïn Kouadria, porte-parole des travailleurs, devant le siège de la direction du complexe. Près de 2 500 ouvriers étaient venus apporter leur soutien à leurs représentants et s'informer sur l'évolution de la situation. En tenue de travail, uniforme et casques, avec des banderoles et pancartes dénonçant la position de l'employeur, les travailleurs hommes et femmes de tous les services s'étaient rassemblés pour montrer leur unité et leur détermination quant à la prise en charge de leurs revendications. D'emblée, M. Kouadria rappellera la volonté du panel des négociateurs de ne pas plier et de tenir bon face aux manœuvres d'une direction qu'il dit mandatée par le groupe de Luxembourg pour mener les négociations mais qui, dans la réalité, a une marge de manœuvre très limitée puisque celle-ci doit en référer à chaque fois à ce même groupe pour revenir à la table des négociations. «Ces négociations ont échoué parce qu'on nous a proposé une ‘‘vente concomitante'', une augmentation de salaire dérisoire de 10% échelonnée sur 2 ans contre une compression des effectifs de 1 500 ouvriers qui vont se retrouver au chômage ; un marché de dupes dont les grands perdants sont les travailleurs. «Nous n'accepterons jamais cela et d'ailleurs nous ne discuterons jamais de ça, nous avons des revendications légitimes qui doivent être satisfaites quitte à ce que l'usine ferme. Nous irons jusqu'au bout !» a-t-il martelé. Ce à quoi répondit un tonnerre d'applaudissements ponctué de youyous et de vivats. Rappelant les raisons invoquées par l'employeur pour essayer de faire passer la compression des effectifs, il dira que les arguments avancés par la direction sont fallacieux parce que, en premier lieu, il s'agit d'un problème de gestion. Une gestion catastrophique voulue et soutenue par les dirigeants qui ont étouffé sciemment le complexe. «Comment se fait-il qu'on importe des billettes et du minerai de fer à des prix exorbitants alors que le minerai existe chez nous et que les billettes sont fabriquées ici et de meilleure qualité à des prix 2 fois inférieurs à ceux de l'importation ? C'est un transfert déguisé de capitaux et, si déficit il y a, ce n'est pas notre faute, les travailleurs réalisent les différents business plans arrêtés et ne peuvent donc être responsables de cette situation», lance-t-il à l'adresse de l'assistance. Ces révélations confortèrent les travailleurs dans leur conviction et les rassurèrent sur la justesse de leur action, ce qui les poussa à exprimer leur adhésion totale à la démarche adoptée par leurs représentants. Le meeting qui a duré près de 2 heures s'est terminé sur la décision annoncée par 4 membres du panel des négociateurs d'entamer hier une grève de la faim à partir de 13 h jusqu'à ce que la direction accepte de satisfaire leurs revendications. M. Kouadria a, lors d'un point de presse tenu à l'issue du meeting, rappelé les différentes affaires de malversations et de détournements, GSW, Shree International, Efes, affaire Fellah Hacene et celle des mines de l'Ouenza, pour dire que ces pertes se chiffrent en millions de dollars et qu'il s'étonne que les membres du conseil d'administration du complexe dont l'Etat détient 30% n'aient pas réagi ou dénoncé cela. Il dira que l'employeur n'a pas tenu ses engagements en matière de renouvellement des installations ainsi que celui ayant trait à l'investissement en citant l'exemple du futur complexe de Bellara (Jijel) que devait construire l'employeur mais qui est aujourd'hui aux oubliettes. A la fin, M. Kouadria annoncera que les 4 autres membres du Panel entameront une grève de la faim à partir d'aujourd'hui et que ceux-ci seront suivis par les 7 200 travailleurs dans les 4 jours qui suivent si d'ici là la situation reste bloquée.