L'été est particulièrement chaud cette année. Chaud et animé par la grâce d'un festival qui, à force d'avoir attendu 40 années pour revenir, enchante une jeunesse fière d'avoir eu elle aussi son Panaf. Comme celle de l'après-indépendance qui a dansé et chanté sur des tempos africains, et qui a vu de près des chanteurs connus pour leur engagement contre l'impérialisme et pour l'indépendance de pays du continent encore sous le joug du colonialisme. Des noms prestigieux étaient passés par là, les «jeunes» quinquagénaires et sexagénaires s'en souviennent. L'été africain de 1969 avait même subjugué les enfants qui découvraient des noms d'artistes et de leaders de leur continent. Si la télévision n'était pas encore présente dans tous les foyers, la radio était là pour diffuser des sonorités mais aussi des pièces de théâtre de ces contrées tout aussi lointaines que proches. Quatre décennies plus tard, les Algériens renouent avec le même festival mais rares sont les participants qui sont encore de ce monde et qui foulent à nouveau le sol d'un pays considéré à cette époque comme étant «la Mecque des révolutionnaires», selon l'expression d'Amilcar Cabral. Aujourd'hui, on retrouve chez les jeunes, mais aussi chez les moins jeunes, un engouement pour les activités culturelles du Panaf. Longtemps sevrés de joie de vivre, accablés par la morosité ambiante, ils se gavent de concerts, laissant toutefois les autres activités, telles que les expositions d'art et les colloques aux plus avertis. Partout, là où une scène est montée, que ce soit dans la capitale ou dans les autres régions du pays auxquelles le Panaf d'Alger rappelle leur africanité, on chante et on danse jusqu'à des heures tardives. On voit de près des artistes de renom que l'on écoutait seulement, et on en tire une fierté. Celle de les avoir approchés et d'avoir son été africain. Une semaine nous sépare de la fin de cet évènement. Déjà, dira-t-on. Mais après, comment s'occupera-t-on ? Quelle alternative au vide sidéral en matière d'activités culturelles ? Celles-ci font cruellement défaut, au point où les plus jeunes ignorent ce que pourrait être un quotidien baigné de culture, tel qu'il l'était autrefois. Les planches ne résonnent plus sous les pas de comédiens époustouflants, les salles obscures ont plongé dans une obscurité glauque qui tente de voiler la projection de vidéos douteuses, et les scènes sont inaccessibles à des chanteurs de talent qui privilégient la qualité. Désertées par leur public qui en faisait des lieux de rayonnement et de savoir et, faute d'une tradition instaurée dans notre société, les bibliothèques croulent sous la poussière. La lecture est devenue un luxe, le prix du livre n'encourageant nullement celle-ci. L'état de la culture n'est pas reluisant et on s'étonne que l'obscurantisme se soit installé au sein de la société. Ce qui est désolant, c'est que rien n'est entrepris pour «dépoussiérer» les esprits et les tirer vers la lumière. Que la fête continue, et au prochain Panaf. R. M.