De notre envoyée spéciale à Timgad Wafia Sifouane Morosité, vide et chaleur, des mots qui auraient décrit parfaitement le quotidien de Batna. Mais le Festival de Timgad, qui lui rend visite annuellement, a plus ou moins bousculé les soirées de cette région. En effet, ils sont nombreux à affluer vers l'antique théâtre romain pour se rafraîchir moralement et… physiquement le temps d'un concert. Pour la 3ème nuit au sein des ruines, la présence du public est modeste. Quant au programme éclectique mijoté par l'ONCI, il semble promettre un pur moment de fiesta. Arrivé en catastrophe, après avoir inauguré la veille la 3ème édition du Festival du cinéma arabe à Oran, le groupe Djmawi Africa s'empare des lieux. C'est la première fois qu'il vient à Timgad. Le temps d'une balance faite sur le pouce, les membres du groupe rejoignent la scène. Fidèles à leur look de baba cool, ils tentent une entrée en force et le choix du titre n'est pas des moindres, Lala Aïcha, un morceau puisé dans le patrimoine marocain et repris par de grands noms du style gnawi. Ahmed Djamil Ghouri au gumbri tente de chauffer la salle. Le public non habitué à ce genre de musique assez «recherchée» est sceptique, il tente de suivre. Djamil ne se décourage pas et s'adresse à plusieurs reprises au public chaoui, il atteindra quand même son but quelques minutes plus tard. Le groupe enchaîne avec le titre Djebal rythmé à volonté et portant la signature des Djmawi. Celle-ci se résume à l'introduction de nouvelles sonorités qui laissent entendre une certaine homogénéité dans la world music. Le refrain est endiablé et facile à retenir, le public se met, lui aussi, au jeu du groupe. Au-delà de leur talent, les Djmawi ont démontré encore une fois qu'ils sont de véritables professionnels de la scène. Quel que soit le public qui leur fait face, ils arrivent toujours à le décontracter et à le convaincre de ce qu'ils font. L'ambiance bat son plein, toute l'assistance reprend le refrain avec le groupe, un unique moment pour ce dernier qui attendait avec l'impatience l'opportunité de se produire sur ce lieu mythique. «Ce site est hallucinant», dira Djamil. Le temps s'écoule vite surtout lorsque les jeunes disjonctés du groupe s'invitent dans ce coin perdu. Ils clôtureront leur passage avec le titre Zmen. Ce dernier met le feu aux gradins, surtout qu'il rassemble à lui seul plusieurs influences musicales. Les Djmawi, de leur côté, s'amusent sur la scène, exécutent des pas de danse, se taquinent musicalement sans nuire à leur professionnalisme. Le show est une réussite, le public est charmé par ces jeunes dans le vent. Dans les coulisses, Abdou El Ksouri nous parlera un peu des projets en perspective. Il citera un éventuel nouvel opus qui sera dans les bacs en début de 2010. «Cet album sera plus africain que le 1er album Mama, on y traitera plusieurs thèmes qui touchent directement les jeunes, tels que le phénomène des harraga», ajoutera Djamil. Mais d'ici-là, les fans pourront patienter avec les deux surprises concoctées par le groupe, en l'occurrence, le coffret rassemblant un DVD des tournées de Djmawi ainsi qu'un album de tous leurs duos avec d'autres artistes au niveau international. La deuxième partie sera assurée par la diva marocaine Khadidja EL Baidaouia qui excelle dans son style «el laoui et el aita». Musique spirituelle inspirée de la culture des soufis et ayant des vertus thérapeutiques. En compagnie de ses musiciens et de ses trois danseuses, elle pénètre sur scène. La chikha est l'une des rares femmes qui préservent toujours ce style. Au-delà de sa voix, les gens restent figés sur ses 3 danseuses aux pas endiablés, elles finiront d'ailleurs en transe sous les yeux sidérés des gens. Le public est séduit et applaudit chaleureusement. C'est le tour du groupe «Ouled El Hadja Maghnia» de rejoindre la scène. Comme leur nom l'indique, ce sont des jeunes musiciens venus de la région de Maghnia qui font dans le genre gnawi. Leur particularité, c'est qu'ils tiennent à préserver l'aspect traditionnel de ce genre. Leurs instruments sont uniquement des instruments à percussion. «Ce soir, nous allons jouer du karkabou. Personnellement, je n'aime pas les appellations gnawi, diwan. Karkabou, c'est plus simple. Nous, notre vocation est de diffuser la bonne humeur et l'ambiance», déclare Youcef, leader du groupe. Mais hélas, leur show sera perturbé par un problème technique dû au mauvais réglage de la sonorisation. Le groupe, furieux, interrompt le spectacle et quitte la scène. C'est alors qu'intervient le chanteur de malouf Azzedine Bouchaala qui tente de recoller les morceaux. La soirée se terminera plus tard après avoir offert aux Batnéens un moment de relaxation qui leur fera oublier le climat aride de ces derniers jours.