«J'ai dû jeter plus de 120 kg de viande. A raison de 500 DA le kilogramme, faites les comptes», se désole Ahmed, un boucher installé à proximité du stade de Kouba. Les coupures répétées de l'alimentation électrique lui ont fait perdre plus de 60 000 DA en quelques jours. «Depuis la semaine dernière, on ne sait plus où donner de la tête. La faible intensité du courant et les coupures répétées perturbent mon activité. Je ne sais plus si je dois commander de la marchandise, seulement écouler mon stock ou carrément fermer boutique», s'alarme-t-il. Pour lui, c'est surtout les chambres froides qui subissent pleinement les répercussions de ces problèmes d'alimentation électrique. Fonctionnant avec des tensions de 380 volts, la faiblesse et l'instabilité de l'alimentation électrique ont des conséquences fâcheuses sur la marchandise stockée et sur le matériel lui-même. «On a été voir la Sonelgaz. Ils nous ont répondu que pour eux, le réseau fonctionne normalement. Regardez, cela fait déjà 10 minutes que le courant est coupé. Que peut-on faire ?», se désole notre interlocuteur. Interrogé sur la possibilité de se faire rembourser les pertes, il rétorque : «Je suis assuré contre le vol, les catastrophes naturelles… etc., mais quand j'ai été voir mon assureur, il m'a répondu que c'est un problème à régler avec l'entreprise nationale chargée de l'alimentation électrique. Alors qui va réparer les dégâts ? Bien sûr, c'est Ahmed !». Toujours à Kouba, les citoyens affirment que jeudi dernier, ils ont entendu un grand bruit ; en fait c'était un transformateur qui a explosé, ce qui a entraîné la suspension de l'alimentation électrique dans plusieurs quartiers pendant près de deux jours. Au niveau d'Alger-Centre, le long des ruelles à proximité de la place du 1er Mai, les commerçants «touchent du bois». «Pour l'heure nous n'avons pas subi de coupures importantes. Sauf mardi dernier pendant une demi-journée. Cela m'a fait perdre pas mal d'argent. J'ai dû, malheureusement, jeter tous les produits laitiers», témoigne un jeune commerçant en alimentation générale. «On n'arrive pas à comprendre. Dans le même immeuble, certains locataires ne soufrent pas de coupures, alors que leurs voisins de palier sont dans le noir. Nous avons été voir la direction de la Sonelgaz, ils nous ont rétorqué qu'ils n'avaient pas assez d'agents pour régler tous ces problèmes», déplore un habitant des quartiers dits «les groupes». Seul un septuagénaire, sourire aux lèvres, semble ravi de ce qui se passe. Il est réparateur de matériels électriques. Pour lui, les coupures sont une aubaine, même s'il tente de nous faire croire toute sa désolation. Ces derniers jours, températures caniculaires aidant, les coupures d'électricité sont devenues un sujet d'actualité. Le constat ne concerne pas seulement la capitale. Mais presque toute les régions du pays. «J'étais hier à Chlef. Avec un thermomètre affichant plus de 46°C, les habitants ont été privés d'électricité pendant plus de deux jours», affirme Ali rencontré dans un commerce de tabacs et journaux à Alger. A l'heure où l'Algérie s'engage dans la voie du très haut débit Internet, de la modernisation de son réseau ferroviaire avec l'installation de nouvelles rames électriques, du métro d'Alger… le problème des coupures d'électricité reste toujours un problème difficile à gérer. Pourtant, il y a quelques mois, les responsables de l'opérateur énergétique national spécialisé dans la production d'électricité, la distribution et les services aux clients, bombaient le torse en déclarant tout de go qu'il n'y aura pas de délestage cet été. Ils se sont même engagés dans le pari de l'exportation de cette énergie vers l'Espagne via le Maroc. Mais, «charité bien ordonnée commence par soi-même». S. A.