L'opération de l'effacement des dettes des agriculteurs est effective depuis hier. Une première liste a été établie au niveau du ministère des Finances, en collaboration avec les chambres de commerce locales, regroupant une première tranche. Si les premiers bénéficiaires de la décision du président de la République d'éponger les dettes des agriculteurs sont connus au niveau de cette corporation, le flou règne encore sur la mise en œuvre, vu que les modalités pratiques de cette opération n'ont pas encore été arrêtées et semblent même ne pas être encore maîtrisées à ce jour. Cette manière de procéder pêche par la confusion, il faut le dire. La liste a été conçue sans qu'il y'ait une enquête sur la destination des crédits contractés et sur l'identification réelle des agriculteurs. Pourtant, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a justifié le retard mis dans l'application de la décision du chef de l'Etat par l'étude cas par cas des concernés. Un retard qui grève les caisses du Trésor public et qui profite à la BADR dont la certitude est non seulement de recouvrer totalement ses crédits mais aussi de prendre des intérêts colossaux. Il pénalise dans le même temps les fellahs qui se retrouvent face à l'injonction de rembourser, tant qu'ils n'ont pas obtenu un document officiel. En somme, plusieurs points souffrent d'incohérence. La lenteur que connaît le traitement de ce dossier n'est pas mise à profit pour une gestion adéquate et sans zones d'ombre comme c'est le cas actuellement. Les responsables en charge de ce dossier semblent maintenant pressés d'en finir pour mettre un terme à l'attente et échapper aux récriminations, quitte à le bâcler. Il ne faut pas oublier que la décision a été prise par le président le 28 février dernier. Même s'il n'a pas fixé de délai pour sa mise en œuvre, il n'en demeure pas moins que toute tergiversation mettrait à mal une telle initiative. Il semble toutefois que l'on ne maîtrise pas tout à fait les paramètres qui doivent entrer en ligne de compte dans la gestion de cette opération. Mieux encore, l'on constate un flottement, les critères paraissent vagues. On s'interroge sur la priorité donnée aux bénéficiaires de crédits contractés auprès de la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR) au détriment de ceux qui ont opté pour la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA). Et entre le ministère de tutelle et l'Union nationale des paysans algériens (UNPA), c'est la controverse en ce qui concerne le nombre d'agriculteurs concernés par cette mesure. Pendant que le premier énonce le chiffre de 110 000 paysans dont l'ardoise sera effacée, la seconde parle de 180 000. Il semblerait que l'UNPA voudrait faire bénéficier d'anciens débiteurs dont les prêts n'ont pas été remboursés. L'attente de ces derniers est sans commune mesure avec le mécontentement de leurs pairs dont le mérite est de s'être acquittés de leurs dettes et qui sont écartés de cette décision. En guise de compensation, ils pourront contracter des crédits sans intérêt. L'initiative prise par les pouvoirs publics tend à minimiser leur déception. R. M.