Photo : Lemili De notre correspondant à Constantine Abdelhamid Lemili L'origine et même leur rang dans la hiérarchie sociale peuvent être aisément profilés pour les Constantinois à partir des moyens de voyager auxquels ils recourent. Mieux, ces moyens témoignent également de l'état des lieux, de la «santé» du secteur des transports, de la température y régnant et fournissent un diagnostic qui renseigne de la manière la plus précise sur le malaise latent qui y prévaut et le stress quasi garanti envahissant l'usager à chaque fois qu'il s'apprête à faire un déplacement. Un déplacement plus proche de l'odyssée, est-il besoin de le rappeler.Est-il, en effet, besoin de rappeler les conditions dans lesquelles «bougent» nos compatriotes, notamment ceux qui recourent à le faire par la voie des airs et ceux qui choisissent de se déplacer par taxi. Du pareil au même en fin de parcours, en réalité, compte tenu de la nature de la prestation, de l'attitude méprisante qu'ont les prestataires concernés à l'endroit de leurs clients.Il ne se passe pas une journée à l'aérogare Mohamed Boudiaf sans qu'il y ait un décalage des horaires mettant en difficulté les voyageurs dont la majorité ne choisit cette option qu'à l'idée de mettre de son côté le maximum de chances de rallier une destination donnée dans les meilleurs délais. Bien évidemment, cette solitude insoutenable des clients de la compagnie algérienne de transport aérien l'est d'autant plus, compte tenu de l'attitude, en général inconvenante, de son personnel au sol que les agents appartiennent à la sécurité, à l'accueil, à l'information, à la manutention, etc.La situation n'est guère reluisante à quatre ou cinq kilomètres à vol d'oiseau de la station de taxis où les départs vers la capitale ou Oran n'ont lieu, à tort ou à raison, qu'après minuit ou aux premières heures du jour en raison de la chaleur et, souvent, parce que le transporteur n'arrive pas à faire l'appoint… Les clients optent depuis quelques mois pour le car, pour des considérations rationnelles : le coût, la convivialité, le confort mais aussi la sécurité. Décor et casting placés, tels sont les scenarii qui font que les Constantinois préfèrent un moyen de transport à un autre.Pour ce qui est de la prestation de la compagnie aérienne nationale, elle est devenue trop aléatoire pour des personnes dans le besoin impérieux de rejoindre une destination sur le territoire national et qui essaieraient, légitimement, de s'assurer tous les atouts possibles pour arriver à bon port au moment voulu. Il s'agit, souvent, d'entretien pour embauche, contrôle médical, analyses, retrait de documents administratifs qui ne nécessitent pas une présence prolongée sur les lieux, le coût, même élevé, d'un billet d'avion permettant de rattraper largement les charges éventuelles et, plus particulièrement, les désagréments qui découleraient d'un séjour prolongé du voyageur dans une autre ville. Tous ces avantages légitimes ne le sont plus avec le transporteur national, dont les services placent plus en difficulté le client qu'ils ne réservent une réponse adéquate à sa demande.Un entretien, samedi dernier, avec des voyageurs avant leur départ vers la capitale «ramasse» superbement toutes ces appréhensions et tous nos interlocuteurs de croiser les doigts afin qu'une telle mésaventure ne leur arrive pas. C'était compter trop vite sans la réputation de la compagnie évoquée qui a mis un point d'honneur à décaler ses départs par onde de choc. «Ceux qui prennent l'avion ne paient pas leur billet» A hauteur de l'agence, une commerciale nous dira que le client de la compagnie est «l'archétype même de la personne qui ne recourt à nos services que parce que son voyage est pris en charge par une tierce partie. Ce sont, en général, des fonctionnaires, tous corps confondus, des professions libérales compte tenu de la comptabilisation de la dépense dans les charges de gestion administrative, les délégations sportives, les personnes à grand handicap physique, souvent le transfert accompagné de dépouilles de personnes décédées. En fait, certains de nos traditionnels clients recourent depuis quelque temps au déplacement par route depuis l'amélioration qualitative des véhicules mis en circulation par les concessionnaires. Il faut reconnaître que ces conditions offertes par un véhicule sont, comparativement au risque de retard, d'attente, voire d'annulation de vol nettement plus efficientes». Ainsi, comme dans les hôtels de luxe et autres palaces, la compagnie algérienne de transport aérien assure, malgré les prix prohibitifs pratiqués, son équilibre grâce à la demande formulée par le secteur public et/ou privé florissant.Le taxi en tant que moyen de transport privilégié, en ce sens que les chauffeurs modulaient leurs horaires de trajet en fonction du taux de remplissage de leur véhicule, durant la décennie tragique traversée par le pays n'est plus coté et sans, pour autant, appartenir aux «crève-la-faim», les prestataires de cette corporation ne flirtent plus régulièrement avec les affaires florissantes qui ont fait qu'en prenant prétexte du contexte sécuritaire évoqué ils sont parvenus à doubler le prix de transport en un temps record et au mépris de toute règle économique à laquelle répondrait une évolution des prix qui tiendrait compte d'indicateurs précis du coût de la vie. Il faut dire, également, que véritables flicartiers, pour ne pas dire prédateurs qui ont mis à profit le dérèglement passager de la société, les «taxieurs» ont, chez leurs clients, attisé littéralement une haine qu'ils ont sans cesse nourrie par une forme de chantage et un diktat dans leur prestation, ravalant la clientèle au rang de la plus vulgaire des piétailles. Les temps ont, heureusement, aujourd'hui changé et à Constantine, les taxieurs sont là mais il n'est plus évident qu'ils roulent sans relâche, dans des conditions qui confinaient les voyageurs dans les plus grands risques. C'est cette conjonction de faits qui a voulu que les transporteurs collectifs, il n'y a pas longtemps, massivement ignorés ou rejetés en raison des conditions de transport qu'ils présentaient : cars vétustes, horaires de déplacement rigides et rarement adaptés aux besoins de la clientèle, commodités inexistantes sinon dantesques, des stations de départ et d'arrivée plus coupe-gorges que lieux publics conviviaux, reconquièrent leur titre de noblesse et deviennent le transporteur privilégié de tout voyageur d'autant plus que les commodités offertes ont évolué dans le sens positif au regard des cars au design futuriste, dotés des conditions idoines pour un long voyage : climatisation, télévision, table de chevet et, pour certains, d'un petit salon de travail ou fumoir, c'est selon, et qui justifie largement le rapport prix/qualité. Il ne faut pas négliger la très grande convivialité, la solidarité qui règne dans un car, notamment sur un long parcours contrairement au caractère très impersonnel, froid et l'attitude défensive qui, en général, règnent dans un taxi, voire dans l'avion. Bien entendu, certains transporteurs tiennent mordicus à confirmer l'exception qui fait la règle en n'hésitant pas à battre en brèche le cahier de charges qui leur est fait obligation de respecter. Un investisseur de la wilaya d'Annaba, à la tête d'une importante flotte, a très peu d'états d'âme quand il fait rajouter des sièges amovibles répartis tout le long du parcours du car entre les deux rangées de sièges. Comme certains n'hésitent pas faire voyager en station debout des voyageurs sur de longs trajets. Là, également, la passivité des éléments de contrôle de police et de gendarmerie en cours de route est plus que douteuse. Concluons, toutefois, sur un constat effectif : la question du transport collectif en Algérie ne se pose plus, quelles que soient les destinations.