Photo : Ouanezar Par Abdou B. Le Festival du film arabe, abrité dans les murs de la ville d'Oran, s'achève après avoir tenu l'essentiel de ses objectifs, dont beaucoup ont été évités ou esquivés par certains confrères. Le fonctionnement actuel du système global algérien, il est vrai, se prête souvent à des lectures politiques, politiciennes, à celles du microcosme journalistique «dressé» à réagir en fonction de critères qui n'obéissent ni à la culture ni à l'impact même limité dans le temps sur les populations et la jeunesse concernées sur les lieux où se déroule une manifestation culturelle. La critique, comme disait Brecht, est très souvent «culinaire», donc subjective. «Ça me plaît ou ça ne me plaît pas.» Avec la mondialisation culturelle sur son versant industriel, on constate, et c'est irréfutable, un déclin progressif et mesurable de cultures singulières locales, et, hélas, celui de cultures nationales. Or, ces mêmes cultures existent malgré les poussées qui tentent, souvent avec beaucoup de succès, de les marginaliser, de les vampiriser, sinon de les réduire. Dans sa dernière édition, le Festival du film arabe tenu à Oran a été éclectique et, en même temps, il s'est voulu homogène, s'agissant d'une contrée, le monde arabe, qui est très loin de la complémentarité entre ses membres, et où les solidarités organisées (associations–syndicats–critiques) au sein des métiers et corporations cinématographiques n'existent pas. A l'échelon officiel, d'Etat à Etat, dans le secteur privé (associations ou fédérations de producteurs, distributeurs, exploitants d'industries techniques) aucune synergie, aucun liant, aucun cadre juridique, financier (privés ou publics) n'a vu le jour. C'est chacun dans son coin, dominé par la diffusion satellitaire, par les ego des dirigeants arabes, et par les débats et décisions qui se déroulent à l'OMC, à l'Unesco ou bien à l'intérieur de l'UE où chacun, avec juste raison, défend sa spécificité culturelle, les diversités (reconnues par l'Unesco), ses industries, ses langues et les emplois nationaux en matière de cinéma. L'ENTV a organisé et imaginé le Festival du film arabe à Oran. Bien entendu, tout le monde le sait, aucune TV au monde (privée ou publique) n'est habilitée par son cahier des charges, par les lois et règlements à organiser et diriger un festival international du film. L'ENTV l'a fait. Nous n'allons pas bouder notre plaisir et surtout «incendier» des fondements, une tradition naissante (c'est le deuxième festival du genre) pour des raisons objectives, lisibles, visibles, porteuses d'avenir qu'il suffit d'analyser sereinement pour que l'Algérie surfe dans le champ largement embouteillé dans le monde et dans des pays voisins, juste à côté. Le festival en question est adoubé par la première autorité politique de l'Algérie, nonobstant toutes les querelles, positions et points de vue respectables dans le pays. Si le premimagistrat est impliqué, et tous les grands festivals de cinéma au monde reçoivent l'onction du chef de l'Etat, directe ou indirecte (voir la Tunisie, le Maroc, la France, le Canada, l'Egypte…), il s'agit maintenant d'interpréter le soutien de M. Bouteflika aux plans culturel, associatif et le message adressé par lui aux pouvoirs publics. A moins que notre lecture soit totalement fausse. Et c'est évidemment une éventualité à ne pas écarter du tout. Tout d'abord, il y a le lieu. Oran est sûrement, en raison de son histoire métissée, une des rares villes en Algérie, avec Constantine, susceptibles de fédérer, d'avoir des espaces de convivialité qui vont avec la fête, la joie, le mélange des races, des religions et des couleurs. Le théâtre A. Alloula, cet ami volé à l'Algérie dans le sang, a une symbolique et une légitimité sûrement estimées à leur juste valeur par les Algériens et tous nos amis venus du monde arabe ou d'ailleurs. Devant la deuxième édition du festival, les pouvoirs publics sont juste sommés d'opérer une réflexion rapide, crédible et durable sur le monde associatif. Dans les grands pays où il y a des centaines de festivals par an (selon les saisons, les thèmes, les arts et les spécificités régionales), c'est le monde associatif qui crée, organise, gère les festivals de tous les genres. Imaginons, demain, une association vraie, dirigée par les plus grosses pointures indiscutables du cinéma à Oran pour prendre la suite avec l'aide, le soutien, le sponsoring à négocier avec l'ENTV et tous les démembrements étatiques concernés aux termes de la loi.Du coup, l'Association culturelle réhabilitée et responsabilisée, l'ENTV aura inscrit des fondements pour passer à autre chose. Toutes ces réflexions, discutables, critiquables n'ont qu'un souci : créer du durable. Et toutes les bonnes volontés à Oran ou ailleurs pour que ledit festival devienne majeur, incontournable et validé par la Fédération internationale des festivals du film, sont les bienvenues sans postuler à rien.