Bloquer la route devant les automobilistes est en voie de devenir une forme de protestation institutionnalisée en Algérie. A défaut de trouver une oreille attentive et des réponses convaincantes à leurs problèmes auprès des assemblées et des administrations locales, les citoyens excédés recourent systématiquement à la fermeture des axes routiers les plus fréquentés pour attirer l'attention des responsables sur leurs difficultés. Des villageois manquant d'eau potable, des banlieusards croulant sous le volume croissant des ordures ménagères, des souscripteurs malheureux au logement social, des transporteurs qui dénoncent l'état déplorable de la route ou tout simplement une promesse non tenue de raccordement au réseau public de gaz de ville, la scène de la barricade dressée au beau milieu de la nationale change quotidiennement d'acteurs et de héros. On fait de même pour s'opposer à un projet jugé à risque pour l'environnement et la santé publique, pour réduire le nombre de débits de boissons alcoolisées en prétextant l'«atteinte aux valeurs morales» de la société, pour réclamer un ralentisseur sur une voie express, pour s'insurger contre une coupure prolongée du courant électrique ou tout bonnement pour marquer une opposition à une décision quelconque de la mairie. Conséquence directe : des files chaotiques de véhicules se constituent çà et là, souvent pour une journée entière. Nos chauffeurs, étant connus pour leur incivisme, rajoutent habituellement une bonne couche à l'anarchie occasionnée. Si, par malheur, vous tombez dans un tel traquenard, vous aurez à poireauter sous un soleil de plomb de très longues heures avec, en plus, le risque omniprésent de violences et d'accidents. Les travailleurs, les voyageurs, les malades évacués en urgence et l'ensemble des usagers payent le prix fort de cette «inconscience» généralisée. Le recours à cette solution extrême vise, parfois, à prendre l'opinion publique à témoin. Dans d'autres circonstances, il s'agit plutôt d'un chantage, franc et direct, pour atteindre au plus vite un objectif apparemment légitime. Le laxisme des pouvoirs publics qui laissent faire et, a posteriori, les lenteurs bureaucratiques dans le règlement des conflits n'arrangent absolument rien à cette triste réalité quotidienne. Béjaïa, comme le reste des wilayas du pays, vit quasiment chaque jour cette dure épreuve. Avec les flux supplémentaires de vacanciers qui viennent en masse à chaque saison estivale, ces «sinistres» occasionnent, presque quotidiennement, des dizaines de kilomètres de bouchons sur les routes nationales qui traversent la région. En cet été 2009, les RN 09, 12, 24, 26, 43 et 75 constituent, en effet, de véritables cauchemars pour des dizaines de milliers d'automobilistes qui empruntent un réseau routier déjà saturé et étroit. A El Kseur, Darguina, Tazmalt, Taskriout, Oued Ghir, Amizour, Kherrata, Tichy, Béjaïa, Souk El Tenine, Barbacha et d'autres localités encore, les populations se «ruent» automatiquement sur les routes à grand trafic pour se faire entendre. Les «coupeurs» de routes sont partout, mais leurs interlocuteurs n'y sont souvent pas. Evidemment, l'absence manifeste de l'autorité publique ne saurait se prolonger, car les risques de débordement et d'affrontement peuvent, à tout moment, déboucher sur des drames autrement plus lourds. Les pouvoirs publics, les assemblées élues et les représentants de la société civile doivent impérativement se pencher sur ce problème avant que ça ne se gâte. Ils en seraient, alors, moralement les responsables. K. A.