«Ce qui se passe ces derniers temps en matière d'expulsions dépasse tout entendement. Nous avons du mal à croire que cela se passe en Algérie. La rapidité, voire la frénésie avec laquelle ces expulsions se font vous laisse pantois. Même le mois de Ramadhan, censé être celui de la ferveur, de l'entraide et de la solidarité, n'a pu empêcher le recours aux expulsions. Des gens sont jetés à la rue sans aucun état d'âme. Pendant ce mois sacré, nous allons à la mosquée, mangeons à satiété et gaspillons. Mais qui d'entre-nous a cure de ces personnes ? Qui s'est demandé, ne serait-ce qu'un instant, comment vivent-elles et comment arrivent-elles à subvenir à leurs besoins, surtout lorsque l'on sait que l'écrasante majorité d'entre elles est accompagnée de très jeunes enfants ? Rares sont ceux qui sont au courant de l'expulsion, intervenue récemment à Souk Ahras, d'une vieille dame de 104 ans !» Ce sont là les propos de Me Belmouhoub, porte-parole de la Ligue algérienne des droits de l'homme, lequel intervenait à l'ouverture de la conférence de presse tenue par les familles expulsées. De son côté, M. Bouregaa, porte-parole du comité «SOS familles expulsées», indiquera que depuis que ce comité a vu le jour (il y a à peine deux mois, ndlr), pas moins de 60 dossiers de familles expulsées ont atterri sur son bureau. «Je tiens à vous dire que le nombre va en augmentant. Chaque jour que Dieu fait apporte son lot de larmes et de désolation. Ce qui est grave, c'est que nous comptons beaucoup d'enfants parmi tout ce beau monde. Les statistiques font état de 90 enfants vivant sur les trottoirs. En tant qu'expert (le président du comité SOS familles expulsées est psychologue, ndlr), je dis que c'est une hécatombe. Le ministère de l'Education nationale organise des séminaires sur la déperdition scolaire alors que les causes de cette dernière sont connues de tout un chacun. Les 90 enfants dont je viens de vous parler ne peuvent suivre une scolarité normale», martèlera-t-il. Au cours de cette rencontre, de nombreuses familles victimes d'expulsion ont tenu à apporter leur témoignage. Une dame habitant une villa à Aïn Benian s'est vue expulsée de manière arbitraire de cette dernière en dépit du fait que son mari, décédé, en soit le propriétaire. Une personne a inventé toute une histoire pour s'en emparer. Tout en larmes, elle insistera pour dire que des documents ont été falsifiés, avec la complicité de nombreuses parties et à différents niveaux. Pour sa part, un fils de moudjahid, qui habite un logement d'un immeuble situé à l'ex-rue du Colon (en compagnie de 16 autres familles) fera savoir qu'il risquait, d'un instant à l'autre, d'être expulsé. «Des documents attestent de manière on ne peut plus claire que de 1962 à 1999, nous payions nos loyers. Par conséquent, ces logements ne peuvent que nous revenir de droit», insistera-t-il. Non moins poignant est le cas de cette famille de 8 personnes habitant Fouka dans la wilaya de Tipasa. En dépit du fait qu'elle est en possession d'un contrat de location en bonne et due forme, délivré par les services de l'OPGI, cette famille s'est vue expulser. «Les reçus de paiement des loyers sont en notre possession. Nous nous sommes acquittés de cette tâche jusqu'à la période allant à 2010», soulignera-t-elle. Tout un chacun se demande jusqu'où ira cette opération «expulsion musclée». «J'interpelle la conscience nationale», clôturera Me Belmouhoub, ajoutant que le situation est des plus inquiétantes. B. L.