Les transporteurs de voyageurs sont en colère. Et cette fois-ci ils n'entendent pas rester les bras croisés face à ce qu'ils considèrent comme un danger pour «leur gagne-pain». Cette menace a pour nom : Tahkout. Depuis quelques jours, plusieurs rumeurs ont laissé entendre que la société privée Tahkout envisagerait de se lancer dans le transport urbain. Aujourd'hui, selon les syndicats des transporteurs de voyageurs, ces rumeurs se confirment au vu du silence observé par la direction des transports de la wilaya d'Alger à ce propos et les avis de recrutement publiés quotidiennement dans les colonnes de certains journaux. Dans ce contexte, l'Union nationale des transporteurs (UNAT), l'Organisation nationale des transporteurs algériens (ONTA), l'UGCCA et la Fédération nationale des transporteurs de voyageurs et de marchandises ont tenu hier une conférence de presse pour exprimer «leur refus total» de l'ouverture de lignes supplémentaires. Il faut savoir que Amar Tou a instruit récemment les directions des transports de de wilaya d'augmenter le nombre de transporteurs pour couvrir totalement la demande des citoyens. Or, cette mesure n'est pas du goût des transporteurs privés. Selon eux, cette décision ne fera qu'aggraver l'anarchie du secteur. «Le secteur a besoin d'une véritable investigation avant de prendre une quelconque décision.» «Toute décision dans le secteur doit être précédée d'une étude car jusqu'à aujourd'hui nous ne disposons d'aucun plan de transport au niveau national comme au niveau de chaque wilaya. Quant aux plans de circulation existants dans les grandes villes, ils sont pour la plupart dépassés», nous a-t-on encore expliqué hier. Concernant Alger, les représentants des transporteurs de voyageurs ont révélé que l'offre est nettement supérieure à la demande. «Pour preuve, il y a 2 000 bus en plus. Le marché est complètement saturé», indique-t-on. «Alors, dans quelle configuration les 500 lignes de Tahkout vont-elles être mises en service ?» s'interrogent les transporteurs qui ne mâchent pas leurs mots, menaçant carrément de recourir à une grève illimitée si la décision d'octroyer ces lignes à Tahkout sera prise. «L'introduction d'un tel opérateur dans des lignes saturées menace carrément notre survie. On cherche à confier le marché à un baron qui ramassera tout sur son passage. Nos revenus vont chuter et beaucoup d'entre nous mettront la clé sous le paillasson. On joue avec notre gagne-pain et cela on ne l'acceptera jamais», s'écrient les transporteurs de voyageurs de la capitale lors de la conférence de presse organisée dans les bureaux de l'UNAT à la gare routière de Kharouba. L'avertissement est donc lancé. Et de belles empoignades rythmeront les jours à venir dans le secteur des transports en commun. Sur un autre chapitre, la création des entreprises publiques de transport urbain dans plusieurs wilayas menacerait également l'avenir de milliers de transporteurs, soulignent les syndicats des transporteurs. Et pour cause, «cela va accentuer la concurrence en générant une régression de l'activité comme service public», affirment-ils en dénonçant l'absence d'une équité dans la tarification. «Il y a des Algériens qui paient le double du prix réel de leur ticket. Du temps du regretté Maghlaoui, nous avions réussi à nous mettre d'accord sur un tarif urbain. Mais le gouvernement n'avait pas avalisé notre proposition. Du coup, aujourd'hui, seul le transport inter-wilayas offre une tarification homogène», assure Aïder Mohand, président de l'UNAT. Notre interlocuteur dénoncera le non-respect de la réglementation par les directions de transport de wilaya (DTW), lesquelles sont accusées d'attribuer les lignes de transport. Il est à signaler enfin que 95% des moyens de transport en commun sont constitués de transporteurs privés. C'est dire tout leur poids dans le transport urbain. Un poids qu'ils comptent bien exploiter pour obliger le département de Amar Tou à revenir sur ces décisions arbitraires unilatérales. A. S.