Photo : Riad De notre correspondant à Constantine A. Lemili La volonté chez les organisateurs potentiels de spectacles, d'une part, et le désir pour les Constantinois de se rendre dans les lieux où ils se dérouleraient, d'autre part, existent. Les premiers devant amortir leur investissement et les seconds afin de recharger, sur le plan festif s'entend, leurs accus eu égard à l'action d'un mois de Ramadhan éreintant qui se déroule en pleine canicule. L'absence d'imagination chez les organisateurs et la rupture avec le tout culturel, voire la vie en société chez les citoyens biaisent malheureusement jusqu'à désespérer les perspectives. Dans la réalité immédiate, une fois le bilan mensuel des activités culturelles et artistiques ficelé, l'information officielle anesthésiera, par overdose de contre-vérités et de non-dits, toute autre velléité de nature à souligner que Ramadhan 2009 dans la ville des Ponts aura été identique à celui de 2008 et peut-être de 2007 et sans doute encore de 2006, etc.Ce discours officiel peut être entretenu et il l'est par la majorité des gens évoquant au gré de leurs discussions de soirées des endroits où d'autres gens passent de bons moments autour d'un thé ou d'un sorbet, de pâtisseries locales ou orientales rehaussés par des effluves de notes distillées par des troupes musicales amateurs et, parfois, professionnelles qui, un moment, mettent de côté leur vorace appétit pour les monnaies sonnantes et trébuchantes rien qu'à l'idée de partager des moments de communion avec des familles présentes en nombre dans des lieux conviviaux dignes d'une carte postale exhalant une nostalgie à faire écraser dans la discrétion une larme chez le plus bourru des Constantinois. La même rumeur parle, ainsi, de la cité du 5 Juillet, de Boussouf, du club hippique et, qu'à cela ne tienne, trois soirées durant nous avons, pardonnez-nous l'expression, écumé les lieux. Des soirées musicales, il ne s'en trouve pas, du moins celle de la carte postale tel que le laisserait imaginer ladite rumeur. Après avoir passé en revue la cité Boussouf où il ne se passe rien en réalité à l'exception des processions de groupes de personnes fuyant des appartements incandescents, détour sur la cité du 5 Juillet, une cité réputée huppée si tant est qu'une cité béton à l'identique de celles qui parsèment le territoire national puisse être huppée. Mais puisqu'elle héberge le must des musts de la population (universitaires, fonctionnaires et commis de l'Etat), concédons qu'elle puisse mériter ce statut même si les tout-à-l'égout éventrés et déversant à ciel ouvert leur contenu sur la chaussée démontent une trop rapide certitude. Première halte : Beït Echarq. Bel endroit avec une grande terrasse, une salle soft, le tout bien agencé et encore en mesure d'être amélioré compte tenu des travaux discrètement réalisés. Les tables y sont éparses, judicieusement distanciées les unes des autres. La lumière bien diffuse semble également avoir été étudiée. La musique diffusée…du malouf…forcément. Le personnel est agréable et l'accueil est à la hauteur de la beauté du décor. Mais celui-ci planté, il manque l'essentiel : un casting et nous en parlons avec G. Farouk, le gérant. «Non nous n'avons pas encore accueilli des troupes musicales quoique l'opportunité nous ait été donné de recevoir Nouri Koufi, Abdelkader Chaou et d'autres à la recherche d'une relative intimité. Elles sollicitent des cachets que nous ne sommes pas en mesure d'honorer parce que nous restons malheureusement tributaires d'une clientèle très très rare», nous dira-t-il. Effectivement, seules deux ou trois tables sont occupées par des personnes qui s'excuseraient presque d'être là parce qu'elles donnent l'impression de faire… fausse note. Et c'est ce qui justifie que l'établissement ne puisse engager une troupe qui, somme toute, ne serait pas aussi exigeante qu'il puisse être imaginé. «Un ensemble musical amateur nous demanderait 20 ou 30 000 dinars pour une soirée. Ce qui, au demeurant, est honnête, faudrait-il, toutefois, que cela puisse constituer le chiffre d'affaires de la soirée. Pourtant, nos prix sont très abordables. Un café de bonne qualité est servi dans des conditions rocambolesques à 20 DA, autrement dit le même montant que dans n'importe quel infect estaminet. Une crème est à 50 DA. Non, la raison est ailleurs, les Constantinois comme le reste de nos concitoyens ont pris l'habitude de la cohue, de la foule. Ils ont perdu leurs repères [faudrait-il encore qu'ils en aient eu pour la majorité… ndlr] et n'aspirent plus à sublimer des instants pareils», ajoutera, désabusé, notre interlocuteur. Enchaînant, il considère sans préciser sa pensée que «les Constantinois ont adopté des comportements importés qui n'ont rien à voir avec notre culture, notre identité». G. F. ne le claironne pas, mais il pensait sans doute à l'établissement qui lui est mitoyen et, lui, plein à… craquer. Nous nous y rendons et rencontrons Tarek, jovial locataire des lieux et tout autant gérant. L'endroit est aussi spacieux, pratiquement calqué sur le premier à quelques nuances près. Tout le monde, dans une ambiance feutrée, lumière de circonstance et donc plus proche du halo que du spot, est en train de «sucer» son narguilé. On jurerait être en face de jazz-bands clonés. L'odeur y est agréable et impossible à sérier parce que amalgamée. Dans la salle, est distillé du malouf, forcément, et à l'extérieur, par la grâce d'un rétroprojecteur les clients ont droit à un match de football en «live». Pour Tarek qui se targue d'avoir reçu d'illustres personnages dans les lieux, dont l'ancien directeur général de l'ENTV, HH Chawki, d'illustres noms de la chanson algérienne. «C'est un choix. C'est vrai, nous aurions aimé donner à l'endroit un cachet du temps jadis, mais justement les temps ont changé et la demande est tout autre. Cette clientèle, vous repasserez demain et ce sont les mêmes personnes que vous retrouverez, parfois, presque à la même table. Ce sont, maintenant, des habitués. Chacun d'eux a ses préférences, ses habitudes et il n'est pas question pour nous d'y déroger. Ces clients sont avant tout chez eux. Bien sûr, si l'opportunité nous est donnée de recevoir des troupes musicales, nous n'hésiterons pas à le faire, mais nul n'ignore les tracasseries administratives qui peuvent en découler du fait de l'implantation de l'établissement dans une cité. La presse s'est, en de nombreuses reprises, fait l'écho des problèmes que nous endurons avec les habitants qui éprouvent beaucoup de plaisir à se plaindre des prestations de notre établissement, rédigeant pétition sur pétition aux autorités locales. Tous les anathèmes nous ont été jetés et l'établissement étiqueté méchamment et, surtout, arbitrairement de lupanar parce que des couples aspirant au calme le fréquentaient.» «Ce qui justifie sans doute ce tag très visible à l'entrée et où il est dit : Pas de femme ?» demandons-nous à notre interlocuteur. «Malheureusement, oui… Vous savez comme moi qu'il n'existe pas d'attitude médiane chez les Algériens. Certaines filles de mauvaise réputation qui ont eu vent de l'endroit se sont mises à le fréquenter et c'est ce qui a irrité, à tort ou à raison -allez savoir- les habitants. Nous avons clos la diatribe par l'interdiction à la gent féminine de fouler notre établissement. C'est sans doute un procès de mauvaise intention à l'endroit des femmes. Mais que voulez-vous, c'est ainsi qu'est faite la société.» En conclusion, quel constat faire du mois de Ramadhan 2009 sur le plan festif, convivial ? Les jeux de société (rami, belote, dominos) disputés sur les terrasses des cafés, sous les lampadaires et dans des conditions sommaires, ont encore longue vie. Les espaces de liberté pour les femmes sont rognés à mesure que passe le temps. Le machisme a définitivement acquis ses lettres de noblesse et ce, rien qu'à voir l'espèce de nirvana atteint par les fumeurs quand ils aspirent de la fumée dans le flexible du narguilé... La seule femme qui pourrait être tolérée sur les lieux devrait être danseuse du ventre.