Photo : S. Zoheïr Par Abderrahmane Semmar La Mitidja, plaine verdoyante riche en récits héroïques et légendaires, qui a vécu les affres du terrorisme, connaît aujourd'hui d'importantes métamorphoses. Le béton envahit peu à peu les terrains fertiles qui faisaient naguère la réputation de cette région et les fellahs voient leur progéniture s'éloigner chaque jour davantage de ce métier contraignant et délicat. Dans ce contexte, il n'est pas rare de voir ces terres en jachère, objet de toutes les convoitises des spéculateurs immobiliers. Fort heureusement, tous les jeunes des bourgades de la Mitidja ne sont pas des déserteurs. Certains n'ont pas cédé à la tentation de l'exode rural et ont choisi de reprendre le flambeau de leurs aïeuls malgré tous les obstacles dressés sur leur chemin. Riadh, 28 ans, fait partie de ces jeunes agriculteurs pour lesquels la terre est un héritage sacré. Il a abandonné sa scolarité à l'âge de 15 ans, à l'époque où les écoles étaient souvent «visitées» et attaquées par les hordes terroristes. Adolescent, Riadh s'engage à aider son père à subvenir aux besoins de sa famille. Il travaille la parcelle de terre familiale et vend la récolte au marché de Boufarik. Pour ce faire, chaque jour, il est debout dès 4 h. A l'époque, dépourvu de matériel agricole moderne, l'adolescent ne cultivait la terre qu'avec des bêches, des râteaux et d'autres moyens rudimentaires. Mais à force d'abnégation, des journées entières et parfois même les nuits à travailler dans les champs, les efforts de Riadh ont fini par payer. Il réussit à économiser pour acheter une camionnette, un tracteur et d'autres outils agricoles. Petit à petit, grâce à l'abondance de sa récolte, il achète des terres où il cultivera des pommes, des oranges et diverses cultures maraîchères. Riadh n'ayant jamais bénéficié d'un crédit bancaire ou d'un quelconque soutien financier de l'Etat, sa success story a de quoi en rendre jaloux plus d'un. A la fleur de l'âge, il s'est lancé dans l'élevage. En constituant un cheptel de plusieurs dizaines de vaches laitières, il n'a pas perdu beaucoup de temps à s'imposer comme un important producteur de lait de Chebli à Boufarik en passant par Bouinan. Aujourd'hui, fort de son succès, il s'est même permis d'introduire des vaches laitières européennes et prochainement canadiennes. «Je n'ai pas besoin de l'assistanat comme le réclament d'autres agriculteurs. Moi, je souhaiterais seulement que l'Etat nous soutienne en réduisant le coût de l'électricité et des aliments de bétail. Ce qui m'attriste, c'est que, dans notre pays, l'agriculteur, le vrai, le bosseur et non pas le rentier, est livré à lui-même. En Europe, il est soutenu et reconnu», confie Riadh qui a admiré la politique européenne de soutien aux agriculteurs lorsqu'il est allé à la rencontre de certains agriculteurs d'Autriche, d'Allemagne et de France. Lui qui n'a pas continué ses études à cause des vicissitudes de la vie, s'offrira des cours du soir en langues étrangères pour pouvoir voyager et connaître l'expérience des autres. «Apprendre pour évoluer», est son fin mot et sa devise dans la vie. L'échec et la défaite, il ne les accepte jamais. Son espoir, c'est de voir d'autres jeunes revenir à l'agriculture où le travail et le gain ne manquent pas…