Les édulcorants sont-ils utiles pour lutter contre le surpoids et le diabète ? Certains sont-ils dangereux pour la santé ? Alors qu'un nouvel édulcorant issu d'une plante d'Amérique du Sud, la stevia, vient d'être autorisé en France, deux associations reconnues s'inquiètent de la désinformation sur ce sujet. «La guerre des édulcorants. Noir : Aspartam. Blanc : Stevia ? Est-ce bien vrai ?» s'insurge l'Association française des diabétiques (AFD). De son côté, l'Association française des diététiciens-nutritionnistes (AFDN) met en garde contre «la consommation excessive de produits dits light ou allégés». Cette polémique relance en tout cas le débat sur l'intérêt de ces produits sucrants, tant pour les personnes obèses que pour celles souffrant de diabète. «Nous voyons une dérive dans les comportements. Ce n'est pas parce que des aliments sont allégés en sucres ou même en graisses qu'ils peuvent être consommés à volonté», justifie Florence Rossi, porte-parole de l'AFDN. D'abord, rappelle cette diététicienne, édulcorant ne signifie pas sans calorie. Ces additifs alimentaires, dont il existe une liste officielle dans le Codex Alimentarius, se répartissent en deux catégories. Les édulcorants intenses, dont font notamment partie la saccharine, l'aspartame et la stevia, sont effectivement acaloriques. En revanche, les édulcorants dits nutritifs ou polyols (comme le sorbitol ou le xylitol), présents par exemple dans des chewing-gums et des bonbons, apportent environ 2,4 kcal/g soit moitié moins que le saccharose.Autre piège pour le consommateur, en dehors des sodas aux édulcorants intenses, qui sont réellement sans calories ; les préparations alimentaires édulcorées ne sont pas nécessairement moins énergétiques que leur version standard. Dans les produits semi-liquides ou solides, le sucre représente en effet un certain volume. Si celui-ci est substitué par des édulcorants intenses (à beaucoup plus faible volume puisque leur pouvoir sucrant est plusieurs centaines de fois supérieur à celui du saccharose), la densité énergétique peut être modifiée. Et ce d'autant plus que l'aliment est riche en lipides. Les graisses étant deux fois plus caloriques que les glucides, certains chocolats allégés en sucre ou autres biscuits édulcorés se révèlent au final plus caloriques que la spécialité initiale. «Les produits light et en particulier les sodas peuvent être consommés occasionnellement, pour se faire plaisir sans calories, mais ils ne doivent pas devenir une habitude quotidienne», résume Florence Rossi. Les médecins spécialisés en nutrition ou en diabétologie sont à peu près sur la même ligne. «Il ne faut pas diaboliser les édulcorants», estime le Pr Patrick Vexiau, diabétologue à l'hôpital Saint-Louis (Paris), et secrétaire général de l'AFD. Selon lui, les boissons light ont ainsi un intérêt pour les diabétiques. Les sodas aux édulcorants intenses peuvent être pour ces patients un moyen de satisfaire une envie de sucre sans pic glycémique. «Surtout, ces boissons qui sont devenues populaires dans toute la population ont permis à nos malades de ne plus être stigmatisés», insiste Patrick Vexiau. «Les dulcorants ont une petite place dans nos prescriptions chez les diabétiques et chez les personnes avec des problèmes d'obésité, note le Pr Arnaud Basdevant, nutritionniste à la Pitié-Salpétrière (Paris). Mais ce qu'on vise surtout, c'est une diversification alimentaire, avec des produits de la vie quotidienne.» Le Pr André Grimaldi, diabétologue dans le même hôpital, est plus radical. «Le seul intérêt de ces produits, c'est pour les diabétiques qui aiment les sodas. Pour les autres, ce n'est pas utile, d'autant que les édulcorants augmentent l'appétit en maintenant le goût pour le sucré.» Une assertion qui ne fait cependant pas l'unanimité. «Ce débat n'est pas tranché, car les études sont contradictoires», estiment des spécialistes comme le Pr Basdevant. Tous se rejoignent en tout cas sur un point : sauf à en consommer en quantités astronomiques, les édulcorants et en particulier l'aspartame n'induisent pas de risques particuliers pour la santé. Depuis des années, malgré des rapports rassurants des autorités sanitaires, des rumeurs circulent périodiquement sur l'aspartame, accusé d'induire cancers, mais aussi sclérose en plaques, lupus… «Récemment, j'ai encore reçu un diaporama foudroyant sur cet édulcorant, réalisé par un individu qui dit faire des conférences», raconte le Pr Vexiau. Ce document pseudo-scientifique, au moment même où les autorités françaises donnaient leur feu vert à la stevia, l'a fait bondir. D'où le communiqué de l'Association française des diabétiques (AFD) autour de la guerre des édulcorants. Pour l'AFD, «l'aspartam n'est pas un poison violent». Quant à la stevia, c'est effectivement un produit naturel, mais «le naturel n'est pas obligatoirement sans risque». S. C. In le Figaro du 29 octobre 2009