Photo : Archives De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar L'histoire d'une cité se lit dans sa structure urbaine qui retrace fidèlement son évolution dans l'espace et dans le temps. On y apprend plus en arpentant ses ruelles et ses places qu'en consultant les archives qui gardent, comme figée, sa mémoire. Il en est ainsi de la ville de Béjaïa qui reste toujours empreinte de son passé glorieux et parfois pesant car difficile à assumer. En effet, la sauvegarde et la valorisation du vieux bâti sont une mission délicate et onéreuse exigeant des ressources financières conséquentes et un savoir-faire pointu. La capitale des Hammadites compte 12 sites et monuments historiques classés et 8 autres proposés au classement, dont trois ont été récemment admis. Les services de la culture ont répertorié 15 autres constructions patrimoniales non encore classées. C'est dire toute l'ampleur des chantiers qu'il va falloir lancer pour restaurer et mettre en valeur ce joyau culturel et civilisationnel. Après des années d'abandon, les pouvoirs publics accordent, depuis quelques années déjà, un intérêt certain à ce dossier. Nombre de chantiers ont été en effet lancés, d'autres sont au programme. Une opération datant de 1999 a effectivement permis de rénover la mosquée de la Casbah où officiait autrefois l'historien et sociologue Abderrahmane Ibn Khaldoun. La structure, qui abrite aujourd'hui l'annexe de la Bibliothèque nationale d'Algérie, nécessite des équipements supplémentaires, dont une réserve d'eau, un bloc sanitaire et la réalisation de l'étanchéité. Une étude a été récemment entreprise à cet effet. Un appel d'offres a été aussi lancé pour la réparation des autres dépendances de la Casbah. Un atelier de même ampleur est en voie d'exécution à Seddouk. Il porte sur l'étude, la restauration et l'équipement de la medrasa de cheikh Aheddad et ses équipements annexes. Gérée par la Direction du logement et des équipements publics (DLEP), la rénovation du mausolée qui a abrité le lancement de l'insurrection populaire de 1871 sera achevée au cours de cette année. Les pouvoirs publics viennent également de débloquer une enveloppe de 12 milliards de centimes pour la réparation et l'extension de l'école coranique de Sidi Yahia Aïdli à Tamokra (Akbou). En plus de la reconstitution de la vieille zaouïa, on compte aussi réaliser 3 nouvelles classes de cours et un internat pour porter ses capacités d'accueil à 250 élèves, dont 50 filles. Une bibliothèque, un cybercafé et une résidence d'hôtes sont également inscrits dans cette opération. Par ailleurs, des études ont été achevées concernant les travaux de conservation de deux portes, Bab El Fouka (ou Bab El Bounoud) et Bab El Bahr (communément appelée porte Sarrasine), édifiées à l'époque du sultan hammadite En Nacer entre 1067 et 1071, la restauration du fort Abdelkader qui date de l'occupation espagnole au XVIe siècle, la conservation du fort Gouraya (édifié également par les Espagnols), et la remise en l'état de la Qalaa de Beni Abbas, dont la maison de cheikh El Mokrani (meneur du mouvement insurrectionnel de 1871) et la mosquée Ibn Souane. Les services compétents ont déjà sollicité la tutelle pour d'éventuelles inscriptions. Des travaux de confortement sont prévus à la koubba de Sidi Yahia Abou Zakaria (époque médiévale) et au musée de Bordj Moussa (ouvrage militaire espagnol). Dans son plan de sauvegarde du patrimoine cultuel, la direction de tutelle a inscrit le site classé de Tiklat (Tubusuctu, une ville romaine de 25 ha, érigée en 27 av. J.-C. pour servir de colonie aux vétérans de la 7ème légion). Le cahier des charges a été déjà approuvé par la commission des marchés de la wilaya. On doit, à ce titre aussi, mentionner l'aménagement de l'ex-tribunal (une œuvre architecturale française datant du 19ème siècle) en annexe de l'Ecole nationale des beaux-arts, la réfection de la cinémathèque et la rénovation du TRB. Ces opérations marquent, selon des responsables locaux, le début d'une prise en charge qui touchera dans un premier temps les monuments historiques sérieusement endommagés. Cependant, on insiste à chaque fois sur la complexité technique et les lenteurs administratives qui caractérisent ce genre d'initiative. «En matière de conservation des biens culturels, des sites et monuments historiques, les procédures y afférentes sont souvent lourdes, lentes et complexes. Les sites en question, au terme d'une procédure de constitution de dossier, doivent subir l'épreuve du classement d'abord au niveau de wilaya, puis national, pour ensuite permettre la procédure de proposition d'inscription. Cette dernière, passera ensuite par les phases de marché et d'étude pour enfin prétendre aux phases pratiques de la restauration», s'est récemment plaint le directeur de la culture au cours d'une conférence de presse, en soulignant au passage l'extrême difficulté de déployer des plans d'intervention d'urgence en rapport à des sites et monuments historiques menacés de ruine.