Pour près d'un million et demi d'étudiants inscrits en 2007-2008, il n'y a que 27 500 enseignants, dont 15% de rang magistral. Ce qui offre un spectacle désolant avec des amphithéâtres surchargés et un enseignement de très mauvaise qualité. En plus du manque d'encadrement, les étudiants algériens souffrent aussi de mauvaises conditions d'accueil au niveau des cités universitaires (hébergement et restauration), alors que la bourse (900 DA/mois) qui leur a été accordée n'a pas évolué depuis les années 1990. Ce qui est à l'origine des mécontentements et des incidents enregistrés au niveau de plusieurs cités universitaires. C'est face à cette situation que des assises sur l'université ont été tenues en mai dernier pour faire le point sur la situation de l'université algérienne tant au plan pédagogique qu'administratif, humain et notamment la recherche scientifique et le rapport université/monde économique/emploi. L'université algérienne est en crise depuis de longues années. Plusieurs facteurs, notamment de nature politique et idéologique, ont favorisé la régression de l'enseignement supérieur et la sinistrose, qui s'est révélée comme une maladie chronique, de l'université algérienne. Depuis 1971, trois plans de réforme de l'enseignement supérieur ont été mis en application sans impliquer réellement les spécialistes, sans faire une évaluation objective du système hérité de la période coloniale et sans prendre en considération les mutations structurelles qui allaient bouleverser le monde. Le processus d'arabisation a été improvisé et engagé dans des conditions pédagogiques des plus catastrophiques. L'encadrement algérien en majorité francophone allait être marginalisé dans les filières scientifiques et techniques avant de prendre le large vers d'autres horizons plus reconnaissants. La contestation sociale allait marquer les universités algériennes des années soixante-dix et des affrontements entre arabisants et francisants ont eu lieu. La nouvelle carte universitaire lancée dans les années quatre-vingt allait approfondir la crise mais c'est le secteur de l'enseignement supérieur qui souffrira pendant longtemps de l'absence d'une politique nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Sans objectifs stratégiques pour l'université pour le court, le moyen et le long terme, c'est la politique de massification de l'enseignement supérieur qui a caractérisé la politique universitaire. Aujourd'hui, l'université peine à atteindre le niveau requis. Que ce soit sur le plan régional et sur le plan international, l'université algérienne occupe toujours la queue du classement. La meilleure université algérienne, en l'occurrence celle de Tlemcen, occupe la 39e place sur le plan africain, loin derrière les universités marocaines, tunisiennes, égyptiennes et sénégalaises… Au classement international, la situation est plus grave. Sur un total de 7 000 universités classées en 2007, celle de Tlemcen ne réussit qu'une piètre prestation en occupant seulement la 6 995e place. Ce n'est pas réjouissant. Cette situation est le résultat des réformes mal pensées ou de leur mauvaise application sur le terrain. Pour certains sociologues, le marasme de l'université algérienne a pour origine la mauvaise application de la réforme introduite en 1971, ayant pour but de garantir l'accès à l'enseignement supérieur à tous les Algériens. Trente-sept ans après, on n'a pas avancé d'un iota. L'université algérienne forme aujourd'hui des candidats au chômage. Plus de 120 000 diplômés, selon des chiffres officiels, quittent l'université sans avoir les acquis nécessaires leur permettant d'avoir de réelles chances d'insertion dans le monde du travail. Sur ce nombre, seulement 12% réussissent à avoir des postes d'emploi. Ce qui renseigne sur la qualité de l'enseignement et l'absence d'encadrement dans nos universités. Malgré les efforts consentis pour augmenter le nombre d'infrastructures (60 établissements d'enseignement supérieur, dont 27 universités en 2007), le gouvernement n'accorde pas beaucoup d'importance aux ressources humaines. Pour les 1,4 million d'étudiants inscrits en 2007-2008, il n'y a que 27 500 enseignants, dont 15% de rang magistral. Résultat : des amphithéâtres surchargés et un enseignement de très mauvaise qualité. La gestion de l'université par l'administration est également, expliquent des sociologues, un des éléments ayant conduit à cette régression. «Le plus grand malheur de l'université lui vient du fait qu'elle n'est pas gérée par des universitaires. L'université ne peut pas fonctionner avec une structure autoritaire, pyramidale, hiérarchique», explique-t-on. «Le nouveau rapport de force, favorable à l'appareil administratif, fait qu'il y a actuellement un accaparement de la gestion administrative et pédagogique des cursus des étudiants, favorisé par l'importance des flux d'étudiants, la désorganisation et la marginalisation du corps enseignant», ajoute-t-on. A ces problèmes s'ajoute celui de la multiplication des réformes, souvent contestées à la fois par les enseignants et leurs étudiants. A. G.