Le gouvernement algérien feint-il de découvrir, quelques mois après sa mise en œuvre, que l'accord relatif à l'adhésion de l'Algérie à la zone arabe de libre-échange (ZALE) n'est pas bénéfique, voire préjudiciable pour notre économie ? Les responsables officiels chargés de ce dossier ont-ils rejoint l'avis (parfois contesté) des opérateurs économiques algériens qui avaient prévenu, bien avant la ratification dudit accord, des risques d'adhésion à la zone arabe de libre-échange (ZALE), avant d'entamer les réformes structurelles nécessaires au passage de l'économie dirigée à une économie productive ? Cela en a tout l'air. Car, près d'une année après sa signature, cet accord n'a pas enregistré les résultats escomptés. Pourtant, les déclarations rassurantes des responsables des différentes institutions n'avaient pas manqué de mettre en exergue les «vertus» dudit accord. Un accord qui rappelle, si besoin est, celui signé avec l'UE, mais, 4 ans après sa mise en route, classe l'Algérie dans le camp des «perdants» Les chiffres alarmants d'Algex Et comme il y a des signes qui ne trompent jamais, entre autres les chiffres rendus publics par l'Agence nationale de la promotion du commerce extérieur (Algex), tout porte à croire que l'adhésion de notre pays à la grande zone arabe de libre-échange n'a pas engendré les résultats tant attendus. Pis, ledit accord ne profite pas encore aux entreprises algériennes. 10 mois après l'entrée en vigueur de la convention régissant les produits bénéficiant d'un régime tarifaire préférentiel au sein de la ZALE, les chiffres ayant trait à l'évolution des échanges des produits entre l'Algérie et la ZALE laissent libre cours aux interrogations quant à la nécessité de mettre, à présent, en œuvre cette convention. Jugeons-en : les importations algériennes en provenance des pays de la grande zone arabe de libre-échange s'élèvent à plus de 1 354 millions de dollars, alors que, durant la même période de l'année écoulée (10 mois de 2008), elles étaient de l'ordre de 900,70 millions de dollars. Soit une évolution de plus de 50% ! Les exportations algériennes vers les pays de la grande zone arabe de libre-échange avoisinent les 1 045 millions de dollars durant la même période de référence (10 mois de 2009), alors que, pour le compte de la même période de l'exercice passé, elles dépassaient les 1 913 millions de dollars. Donc, l'Algérie a accusé une baisse de ses exportations de l'ordre de 45%. La même tendance est enregistrée au sujet des exportations hors hydrocarbures. En effet, les exportations hors hydrocarbures de l'Algérie vers les pays de la zone arabe de libre-échange montrent que, durant les 10 mois de l'année en cours, elles sont de l'ordre de 110,25 dollars, alors qu'elles avoisinaient les 236 millions de dollars en 2008. Soit une baisse drastique de l'ordre de 53,15%. Sachant préalablement que l'accord a été signé le 1er janvier 2009, les chiffres d'Algex illustrent parfaitement le coup encaissé par l'économie nationale en ouvrant ses frontières aux produits du monde arabe. Par pays, la même source indique que le premier fournisseur de l'Algérie au sein de la ZALE est l'Egypte (près de 90% des échanges), suivi de la Tunisie, de l'Arabie saoudite, de la Jordanie et du Maroc. Où se situent les responsabilités ? Les observateurs assidus de la chose économique ont sûrement remarqué que les officiels algériens ont dû déchanter moins d'une année après l'entrée en vigueur de cet accord. Même si aucune explication formelle et rationnelle n'est à présent fournie, certaines déclarations de responsables, du moins celle du ministre du Commerce, El Hachemi Djaaboub, laisse présager ce scénario. Celui-ci a, au mois de septembre dernier, avoué (il vaut mieux tard que jamais) que «la mise en œuvre de cet accord a été brutale, sans transition. Les pays qui y ont adhéré avant nous ont bénéficié de périodes de transition mais pas nous, car le délai est passé». Alors que ce ministre n'avait pas tari d'éloges sur ces accords, au début de l'année, en ce sens que «la zone arabe de libre-échange est pour l'Algérie un choix politique et économique stratégique. Nous sommes les derniers à y avoir adhéré mais c'est pour nous un recul pour mieux réfléchir. Quand l'Algérie décide, elle s'assume». Dans ce cas, l'Algérie peut-elle assumer, maintenant que la réalité est bien visible, sa responsabilité ? Connaîtrons-nous une réaction similaire à celle enregistrée il y a quelques mois au sujet de l'accord d'association avec l'Union européenne ? Les responsables chargés de ce dossier vont-ils reconnaître que les démarches relatives à la mise en route de cet accord ont été faites dans la précipitation ? Enfin, les responsables du ministère du Commerce sont-ils assez mauvais, voir incompétents dans les négociations ayant trait à l'adhésion de l'Algérie à des zones libre-échange (ZALE et l'accord d'association avec l'UE) ? Autant de questions qui restent toutefois pendantes, eu égard aux résultats commerciaux enregistrés jusque-là. Selon un haut responsable au niveau du ministère du Commerce, la responsabilité est souvent partagée. Si, ajoute-t-il, la responsabilité du gouvernement se situe notamment dans l'absence de la mise à niveau de notre réglementation par rapport aux pays de la ZALE, la stabilité des lois et règlements, le manque flagrant du soutien de l'Etat au profit des entreprises exportatrices, et surtout le retard enregistré dans l'application du programme de mise à niveau des entreprises initié avec l'Union européenne, les entreprises algériennes ont une autre part de responsabilité. Notre source soutient que les entreprises algériennes ne se sont pas suffisamment préparées à la concurrence de leurs homologues arabes. «Les sociétés algériennes ont été livrées à la concurrence internationale, sans pour autant qu'il y ait un accompagnement de l'Etat pour leur permettre de s'intégrer en douceur dans les zones de libre-échange», précise ce responsable. S. B. Les explications du ministère du Commerce A présent, du côté des pouvoirs publics, on se contente de pointer du doigt les autres pays signataires dudit accord. En effet, eu égard des résultats mitigés enregistrés une année après son application, le ministère du Commerce se contente vraisemblablement de «riposter» face au comportement protectionniste de certains pays membres de la zone arabe de libre-échange (ZALE). En clair, les pouvoirs publics s'apprêtent à appliquer le principe de la réciprocité dans l'application des «barrières non tarifaires» sur des produits importés de pays de la ZALE, qui soumettent les exportations algériennes aux mêmes mesures protectionnistes une fois débarquées sur leur sol. Dans une déclaration à l'APS, le directeur général du Commerce extérieur au ministère M. Cherif Zaaf, avait indiqué qu'une réglementation allait être promulguée très bientôt et prendrait la forme de procédures administratives ou relatives aux normes de produits, ainsi que des mesures sanitaires ou phytosanitaires des importations algériennes en provenance des pays de la ZALE. L'argument mis en valeur : les barrières non tarifaires appliquées dans certains pays empêchent les exportateurs algériens de profiter pleinement de leur marché. Pour ce responsable, notre pays «avait supprimé toutes les barrières non tarifaires depuis la mise en œuvre du programme d'ajustement structurel», et à compter du 1er janvier 2009, notre pays n'avait à supprimer que ce qui restait des droits de douane en vigueur. En décodé, ce sont aux yeux des responsables du ministère du Commerce les principaux obstacles entravant la réussite d'une telle entreprise. S. B.