Photo : A. Lemili Dans la ville du Khroub, toute personne interpellée sur le sujet répondra : «Bien sûr, nul n'a jamais ignoré que le maire (FLN) n'arrêtait jamais de faire des affaires avec l'argent du contribuable, les moyens de l'Etat, les connivences partisanes et la passivité des élus des formations de l'opposition. Mais face à l'importance que son attitude a pu revêtir aux yeux des premiers responsables des pouvoirs publics, autant locaux que centraux, à quoi cela servirait-il de s'insurger ?» Des propos qui, d'emblée, qualifient, on ne peut mieux, la résignation des citoyens face aux frasques de certains responsables. Des propos ravalant logiquement à une dimension routinière toutes les situations possibles, à telle enseigne que la population se gondole allègrement des turpitudes de «Monsieur le maire» depuis qu'il est retourné aux affaires dans le cadre d'un deuxième mandat après une retraite sabbatique de la même durée (2002-2007). Si, malgré quelques entorses à la morale, son premier mandat a plus ou moins été «clean», il ne peut en être dit de même et de celui qui devait courir jusqu'en 2012 et sur lequel, toutefois, aucun Khroubi averti n'aurait parié un kopeck quant à voir M. H. Y. le président d'APC figurer à la ligne d'arrivée. Le premier édile qui est un abonné des tribunaux (il est chaque semaine au prétoire) et des bureaux de juges a commencé à traîner des casseroles aux premiers jours de son installation, le 11 décembre 2007, puisqu'il n'hésitera pas à signer, serions-nous tentés de dire, presque des deux mains et à peine son siège chauffé, un document dit de conformité au profit d'un promoteur immobilier qui, depuis deux ans, ne parvenait pas à l'obtenir. Motif : non-respect des clauses contractuelles figurant au cahier de charges et plainte des souscripteurs... arnaqués. A la question que nous lui avions posée à l'époque, le maire nous avait dit : «Vous savez, il y a toujours des individus qui cherchent à semer le trouble dans une situation. C'était un dossier en souffrance et les gens avaient besoin d'accéder à leur logement. Nous avons agi pour le bien de tous.» Ce qui, évidemment, n'a jamais été le cas en ce sens que le promoteur, une fois en possession du document, est allé vers les souscripteurs pour les narguer sous leurs balcons, exhibant l'attestation de conformité et déclarant : «Vous ne m'avez coûté que 50 millions de centimes.» Bien entendu, à une question relative au sujet, le maire nous dira : «J'ai sans doute été trompé par mes collaborateurs. J'ai signé ce document en toute bonne foi.» Mais les affaires n'allaient pas pour autant s'arrêter pour un élu dont il est dit qu'il aurait investi près de «7 millions de dinars pour sa campagne électorale» et «à charge de revanche, leur récupération une fois élu». L'un des vice-présidents que nous avons approché dira même que «cela coule de source. Le rapport que notre collègue a avec l'argent ne pouvait que déboucher sur la dizaine d'affaires qu'il a en justice et où il est directement impliqué». C'est, d'ailleurs, en raison de ces implications qu'il a été condamné, il y a trois semaines, à deux mois de prison avec sursis dans une affaire liée à un trafic de fourniture de produits alimentaires (pain) dans les œuvres sociales universitaires. Paradoxalement, quoique condamné par la justice, H. Y., qui a été sommé contre son gré de quitter son poste de président, n'a pas été éloigné de l'institution et continue de siéger en tant qu'élu, confirmant de fait le mépris qu'a toujours eu l'administration locale mais aussi une partie de ses pairs, voire de la mouhafadha dont il relève de lui faire appliquer les dispositions de la loi 90-08, particulièrement les articles 32 : «Lorsqu'un élu fait l'objet d'une poursuite pénale ne lui permettant pas de poursuivre valablement l'exercice de son mandat, il peut être suspendu. La suspension est prononcée par arrêté motivé du wali, après avis de l'Assemblée populaire communale, jusqu'à intervention de la décision définitive de la juridiction compétente», ainsi que l'article 33 : «L'élu communal ayant fait l'objet d'une condamnation pénale dans le cadre des dispositions de l'article 32 est exclu définitivement de l'Assemblée populaire communale. Cette exclusion est prononcée de droit par l'Assemblée populaire communale. Le wali constate par arrêté cette exclusion.» De bout en bout, le P/APC n'a pas été exclu tout le temps qu'il se tenait debout au prétoire du tribunal local pour au moins une dizaine d'affaires et encore moins après avoir été condamné. Preuve en est qu'il siège toujours à l'assemblée. Pis, il continue, donc, de comparaître pour d'autres affaires relatives à faux et usage de faux, falsification de documents officiels, conclusion de marchés publics non conformes à la réglementation, etc. Ainsi et compte tenu de leurs responsabilités, les cadres des services administratifs de la commune s'efforcent depuis quelque temps de défricher le terrain pour essayer de remettre un tant soit peu de l'ordre dans la maison. D'après des informations parcimonieuses (en raison de l'énormité de la situation aurons-nous comme confidence) que nous avons pu obtenir auprès de certains parmi ces cadres et des élus, «la commune serait une véritable chantier, un capharnaüm inimaginable et, pour être plus proche de la réalité, tout le monde est sur une poudrière. A mesure que nous avançons dans nos investigations, nous restons effarés par la somme des torts et/ou préjudices volontaires ou involontaires causés à la commune». Même s'il pourrait s'avérer que la gestion a été hasardeuse bien avant l'intronisation de H. Y. en l'an 2000 (en remplacement du maire précédent promu au poste de sénateur), c'est surtout durant son mandat que tous en est allé à vau-l'eau. Il n'en demeure pas moins que la passivité de l'administration locale, voire centrale, mais aussi du parti de l'intéressé prête à équivoque, suscite bien des interrogations et autorise même toutes les spéculations sur la protection, certainement même à haut niveau, dont jouirait le maire déchu. Nous avons évoqué une fois autour du même sujet les risques qui peuvent découler, s'il arrivait que H. Y. chute, d'une «théorie des dominos». Elle est plus que jamais d'actualité et c'est sans doute pour cela que d'aucuns ne se réjouiraient pas de le voir quitter l'assemblée. D'où une mise au placard en attendant des jours meilleurs et quitte pour cela à faire insulte à la loi.