C'est aujourd'hui à Genève que débuteront les négociations de l'OMC, en conférence ministérielle, un rendez-vous très attendu pour tenter de boucler le cycle de Doha. En préparation depuis des mois, la rencontre d'aujourd'hui devrait remettre à plat tous les dossiers, s'éloigner autant que possible de la cacophonie ayant émaillé les réunions de ces dernières années. L'ambiance ayant régné la veille de la conférence ministérielle le permet-elle ? Pas si sûr. Les hostilités ont déjà commencé. Le ministre allemand de l'Economie, Michael Glos, s'exprimant dans les colonnes du Financial Times Deutschland à paraître aujourd'hui, a eu cette phrase : de grands pays émergents comme le Brésil, l'Inde et la Chine n'ont pas le droit de «se retrancher» derrière l'appellation pays en voie de développement. Pour lui, il est indispensable que les grands pays émergents se montrent à «la hauteur de leurs responsabilités» dans le système commercial mondial. Le propos est véhément. Le patron de la Fédération de l'industrie allemande, Jürgen Thumann, dans un entretien au journal Handelsblatt, en rajoute. Il estime que, aussi longtemps que certains acteurs principaux considèrent la réunion de l'OMC comme «une voie à sens unique», il ne doit pas y avoir «d'accord». Une accusation injustifiée. De tels propos risquent, en tout cas, d'exacerber davantage les relations commerciales entre pays sous-développés et pays en voie de développement et, du coup, plomber les pourparlers. L'Allemagne veut, certes, défendre ses «intérêts industriels», comme l'a déclaré son secrétaire d'Etat, chargé du commerce, Bernd Pfaffenbach. Mais, elle pouvait faire l'économie d'une telle animosité, malvenue. Aux dires de beaucoup, s'il n'y avait pas eu le Brésil et le G20, le cycle de Doha serait mort depuis longtemps. Indépendamment des coups de gueule des uns et des autres, l'OMC est appelée à faire avancer les négociations, à l'arrêt depuis 2001. Mission difficile pour le directeur général de l'Organisation, le Français Pascal Lamy ? Ce dernier, en «brancardier» à Genève, s'évertuera à sauver les négociations qui s'annoncent serrées, escarpées. Un consensus a minima serait toutefois possible sur une problématique d'ordre global qui tient en deux volets : l'Europe attend, en échange des réductions de subventions et droits de douane agricoles, que les grands pays émergents, comme le Brésil, l'Inde ou la Chine, ouvrent davantage leurs marchés aux produits industriels et aux services. Dans le détail, cela correspond à un chapelet de concessions à faire de la part des pays développés. Et ce ne sera pas une partie de plaisir pour les ministres du Commerce présents aujourd'hui dans la capitale helvétique. Des pays comme l'Australie ou la Nouvelle- Zélande sont intraitables sur les questions agricoles. Ils s'accrochent à des détails sur les subventions agricoles, créant ainsi des zones considérables de désaccords. Pascal Lamy essaye ainsi de concilier une série de positions aussi différentes les unes des autres, avec, peut-être, un petit bémol dans l'air : il y a une volonté politique de conclure le cycle de Doha, qui aurait dû s'achever en 2004, disent les plus optimistes. Le cycle de Doha concerne la libéralisation du commerce mondial et la réduction des barrières douanières avec pour objectif d'aboutir à un accord global. Depuis 2001, les discussions achoppent sur les différends entre pays industriels et pays en développement essentiellement sur les subventions versées aux agriculteurs des pays riches et les barrières douanières entravant l'entrée des biens et services dans les pays émergents. Pratiquement, toutes les propositions faites ont été basées sur celles du G20. On dit que ceux qui bloquent les discussions sont ceux qui jouent plus au jeu de la critique qu'au jeu de la discussion. De 2001 à ce jour, l'organisation semble être embourbée dans des conflits d'intérêt. Dotée pourtant d'importants instruments d'arbitrage, elle n'a pas réellement statué sur des affaires commerciales à enjeu. Que faire alors d'une institution à caractère multilatéral censée amener le commerce international à l'équilibre ? Et que pourraient faire les pays en voie de développement sinon lâcher du lest, cumuler concession sur concession. Y. S.