Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani C'est une correspondance officielle datée du 14 janvier 2010 émanant du secrétariat général du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements en réponse à une autre adressée par la direction générale et demandant d'«ouvrir des échanges avec les pouvoirs publics sur le plan du développement et de l'investissement d'ArcelorMittal en Algérie» qui a mis le feu aux poudres et provoqué la colère des syndicalistes. En effet, dans ladite correspondance, le secrétaire général du ministère s'est contenté d'orienter la demande vers les services de l'Agence nationale de développement de l'investissement tout en émettant l'hypothèse que le dossier finalisé pourra faire l'objet d'un examen. Cette réponse, qualifiée de passe-partout et de comprimé «Kalmine» par le secrétaire général du syndicat ArcelorMittal lors d'une conférence de presse tenue au complexe sidérurgique hier à 10 heures, a été rejetée par le conseil syndical qui compte maintenir le mot d'ordre de grève tout en prévoyant un durcissement du mouvement et de recourir à d'autres moyens de revendication si une réponse claire et nette ne vient pas rassurer les travailleurs sur leur devenir. «Nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout. C'est une réponse bureaucratique qui ne prend pas en compte le sort de 7 200 travailleurs sans compter les 1 000 autres relevant de la sous-traitance et des emplois indirects qui font vivre toute la région. La stabilité et la paix sociales ne se décrètent pas, elles sont l'aboutissement de toute une politique de développement qui prend en charge tous les aspects», déclare le secrétaire général du syndicat d'entreprise, Kouadria Smaïn. Parlant de la situation du complexe sidérurgique depuis sa reprise en 2001 par le groupe ISPAT, le secrétaire général rappellera que «l'Algérie était classée première du point de vue production par l'Union arabe du fer et de l'acier [UAFA], les besoins en produits sidérurgiques des pays arabes en 2001 étaient de l'ordre de 8,8 millions de tonnes par an ; aujourd'hui, ils se situent autour de 17,09 millions de tonnes d'acier par an.» «Entre-temps, la plupart de ces pays ont développé leurs industries sidérurgiques ; chez nous, on a régressé et on en est encore à revendiquer la réfection de la cokerie et la mise en œuvre d'un hypothétique plan d'investissement si bien qu'on s'est retrouvés bons derniers dans le classement établi par cette organisation.» «Nos besoins en produits sidérurgiques en 2010, lance-t-il à l'adresse de l'assistance, avoisinent les 5 millions de tonnes et en 2020 ils se situeront autour de 11 millions de tonnes au vu du développement que connaît le pays. En 2009, l'Algérie a importé 4 millions de tonnes d'acier, soit l'équivalent de 4 milliards de dollars. Cet argent est allé gonfler les poches des importateurs et renforcer l'emploi dans les pays étrangers tels que l'Espagne, l'Italie, la Turquie ou le Portugal. Et de plus, les produits importés sont de mauvaise qualité, le taux de carbone est très élevé en dehors du fait que ces produits sont cassables. Ici, au niveau de notre complexe, nous disposons de hautes compétences techniques, d'une main-d'œuvre qualifiée, d'un savoir-faire dans la production de l'acier, des infrastructures nécessaires, des mines, de l'énergie. Si nous avions investi ces sommes colossales pour la construction d'autres unités au sein d'El Hadjar, nous disposons encore de 200 hectares de terrains nus, nous aurions économisé cet argent et couvert la demande du marché intérieur sans compter ce qu'on pourrait exporter. Les Américains, connus pour être les plus libéraux au monde, sont intervenus pendant la crise financière en injectant des milliards de dollars pour sauver les outils de production et leur économie ; nous, nous ne l'avons pas fait et il faut dire que, dans les hautes sphères du pouvoir, deux visions s'affrontent, l'une soutient qu'il faut sauvegarder et soutenir le tissu industriel existant et le développer, l'autre table sur l'ouverture du marché et l'investissement étranger qui, dans la réalité des faits, n'a rien apporté tout en engrangeant de gros bénéfices au détriment de l'économie nationale. Nous combattrons ces derniers et nous nous battrons pour défendre l'économie nationale. Il y va de notre avenir à tous.» A la fin de la conférence, M. Kouadria annoncera que le mouvement ira en se durcissant puisqu'il est prévu un chargement d'arrêt du haut-fourneau n°2 pour 1 mois au lieu d'une semaine, comme cela a été le cas durant ces derniers jours de grève. «Nous pensons aller crescendo dans la protestation, conclut-il, nous envisageons de transporter par bus nos travailleurs jusque devant le siège de la Centrale syndicale à Alger, jusque devant le ministère de tutelle ; nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout et nous avons le soutien total des 7 200 ouvriers du complexe», affirme-t-il.