L'atmosphère était plus qu'obscure mardi dernier au Théâtre national algérien Mehieddine Bechtarzi qui a abrité la générale de la pièce Quichotte : l'homme qui n'était pour rien mise en scène par Chawki Bouzid. Une œuvre théâtrale dont le réalisateur a opté pour le courant du théâtre de l'absurde en l'axant sur une approche philosophique du personnage de Quichotte. Face à une salle inhabituellement bondée, la pièce s'amorce avec l'apparition du comédien principal Fadel Abbes dans le rôle de Quichotte. Vêtu d'une tenue blanche, il entame son monologue qui n'est autre qu'un dialogue intérieur. La confusion s'installe, le personnage qui s'exprime en arabe classique avec une gestuelle démesurée peine à convaincre l'assistance. Quichotte est revisité, réécrit et décrit comme un homme ordinaire dont la vie n'a jamais été joyeuse. Disparitions d'êtres chers, séismes, déboires amoureux, Quichotte nous relate sa triste existence. Derrière le volant de sa voiture qui symbolise le voyage, la fuite et l'histoire qui avance, Quichotte traverse une crise existentielle, il n'est pas satisfait de son destin et, en même temps, il dit ne pas être coupable de la cruauté de sa vie. Sur scène, des écrans à plasma ont été installés pour les besoins de la pièce. D'ailleurs, le public a l'impression que Quichotte n'est pas seul sur scène avec l'apparition d'un jeune petit garçon sur l'écran qui appuie les déclarations de Quichotte. En effet, ce petit garçon, c'est Quichotte ou une partie de sa jeunesse qui parle. Toujours sur la route, Quichotte rencontre Pancho, interprété par le comédien Kamel Zerrara. Ce dernier à bord de sa moto tombe en panne dans un endroit peu fréquenté, heureusement que Quichotte est là pour l'embarquer à bord de son véhicule. Pancho, trouillard sur les bords, est un personnage rigolo avec des réactions imprévues. Les deux hommes plongés dans le passé de Quichotte rencontre Miranda et le gardien d'une réserve. Quichotte est fou amoureux de Miranda, depuis l'âge de 17 ans ; il n'a d'yeux que pour elle mais elle préfère rester seule et épanouie. Avec des ambitions très larges, elle rêve d'une vie luxueuse et de grandes villes, choses qu'elle ne verra jamais. Les personnages se succèdent et embarquent le public dans une folie intérieure, celle de Quichotte, un homme qui se déchire et ne trouve personne à blâmer. Au-delà du jeu impeccable des comédiens, la pièce s'est distinguée par sa scénographie peu ordinaire avec un siège de véhicule installé et des écrans accrochés. Quelques problèmes techniques gâcheront le plaisir mais cela sera mis sur le compte des aléas du direct. On notera également que la pièce s'inscrit dans un registre élitiste car elle propose un texte de réflexion. Un texte profond et mélancolique qui en dit long sur la personne de Quichotte. Sombre et déphasée, la pièce convaincra difficilement la foule dont la majorité a quitté la salle avant la fin du spectacle. W. S.