Photo :S. Zoheir De notre correspondant à Constantine A. Lemili Les banques algériennes auraient-elles quelque chose à se reprocher ou bien sont-ce leurs dirigeants qui seraient frileux plus que de raison ? En tout état de cause, la réponse coule de source suite à nos pérégrinations dans les différentes institutions financières de la ville de Constantine. Leurs premiers responsables ne seraient pas habilités à parler aux médias. C'est du moins la «réponse-bateau» ânonnée à chaque fois. La gestion de la communication et la fourniture d'informations de quelque nature qu'elles soient relèvent de la direction générale, laquelle ne peut forcément qu'être installée au niveau de la capitale, ce qui rend difficile l'obtention de l'information, si tant est qu'elle puisse l'être. La crise financière n'est pas dans nos murs, c'est ce que disent du moins les responsables financiers du pays et nous les croyons sur parole. Par voie de conséquence, rien n'explique les loopings de nos interlocuteurs auxquels nous ne demandions que quelques données relatives aux possibles retombées de la loi de finances complémentaire 2009 sur l'activité de la banque. Tout cela évidemment en tenant compte d'une baisse des activités du portefeuille «Etranger» conséquente à un ralentissement des importations habituellement réalisées par les opérateurs économiques locaux et plus particulièrement ceux dont l'activité dépendrait partiellement ou en totalité d'un apport extérieur de matières premières et/ou d'intrants. Cela étant, un cadre de l'un des établissements visités, le CPA, a déclaré : «Notre banque, au-delà des nouvelles mesures, a de tout temps rebuté les importateurs en raison de pesanteurs administratives. La somme de documents exigés, en plus de ceux dont dispose la réglementation, rabroue les clients qui optent pour la Banque extérieure d'Algérie dont les mécanismes sont moins rigides. C'est pour cela que, nous vous le disons tout de suite, la mesure prise par le gouvernement n'a pas eu beaucoup d'influence sur les opérations extérieures de notre banque.» Cette vision de la situation nous a été confirmée par A. C., P-DG d'une importante entreprise publique (ALEMO) : «Le crédoc est une opération qui remonte à la nuit des temps pour l'ensemble des entreprises publiques. Les mécanismes, par la force des choses, se sont tellement huilés que les procédures lourdes au début de l'instauration du crédit documentaire se sont corrigées d'elles-mêmes. Or, il aura suffi que le gouvernement, via la loi de finances complémentaire, en vienne, rappeler le respect des textes pour que les banques en fassent une interprétation totalement anachronique pour ne pas dire bureaucratique et nous ramène à une période que nous pensions définitivement révolue. Depuis le début du second semestre de l'exercice écoulé, nos services mettent parfois plus d'un mois pour formaliser un dossier alors que, quelques semaines auparavant, la même démarche n'exigeait pas plus d'une semaine. Pourtant, les textes n'ont en rien changé et, si tant est qu'il soit exigé leur application, celle-ci vise plus particulièrement à normaliser la situation, sinon à mettre de l'ordre dans les importations réalisées par les opérateurs du secteur privé […] pas tous évidemment parce qu'il s'en trouve qui sont orthodoxes dans leur gestion.» Cela étant, nous nous sommes également rapprochés de deux opérateurs économiques privés dont l'activité est peu ou prou en rapport avec l'import, l'export, ou les deux simultanément, comme c'est le cas d'une très importante société de production de produits vétérinaires et prochainement humains. M. Belhadj Mostefa T., manager général d'AAHP, considère que «ce n'est pas le crédit documentaire en lui-même qui nous pénalise, quoiqu'il ne nous avantage pas non plus dans la mesure où nous sommes une entreprise qui exporte et fait rentrer des devises au pays, mais plutôt la lourdeur des opérations bancaires. AAHP dispose des moyens financiers cash à même d'honorer n'importe quel besoin de produits formulés auprès de fournisseurs étrangers, sauf qu'elle reste tributaire de la célérité des services de la banque à acheminer la contrepartie financière de ses commandes. Nous ne médirons pas des compétences des banques et encore moins du volume de travail qu'elles brassent mais une entreprise comme la nôtre gagnerait, comme gagnerait d'ailleurs le pays, à ne pas souffrir des contraintes précédemment formulées. Cela étant, nous saluons les dispositions de la loi de finances complémentaire parce qu'elles viennent enfin mettre de l'ordre dans le secteur et plus particulièrement dans les importations. Aujourd'hui, ceux qui importaient des produits finis pour les revendre en l'état se sont retrouvés automatiquement disqualifiés. Ces mesures nous confortent encore plus, sachant qu'elles protègent les opérateurs économiques qui, effectivement, produisent. Et rien que pour cela, nous sommes disposés à subir certains dysfonctionnements ou des lenteurs pour peu que le blé soit séparé de l'ivraie. Le patriotisme économique pour nous n'est pas un vain mot». Mme Harkat N. N., dont la société produit l'emballage des produits transformés, a affirmé : «Je ne sais pas franchement si le problème se serait posé pour moi de recourir à la procédure du crédit documentaire. En fait, j'ai acquis une conditionneuse dans le cadre d'un montage financier triangulaire ANSEJ avant que ne soit mise en application la dernière mesure gouvernementale liée à la LFC. Mais je présume, sans faire de procès d'intention, que les lourdeurs de la banque auraient rendu les démarches plus complexes. C'est du moins ce que je sais des problèmes vécus par mes collègues qui ont emprunté ladite voie.» Il semblerait en réalité que les opérateurs économiques, indépendamment de leur dimension, de la qualité et de l'impact de leur activité sur le développement local, voire national, et qui, toutefois, ont pignon sur rue ou du moins exercent une activité transparente ne rencontrent pas les mêmes difficultés que les importateurs occasionnels, ceux qui font dans le conteneur, plus rompus à la circulation underground de l'argent et que l'obligation de démarcher via la banque et le crédoc met dans la plus grande gêne, voire les empêche de s'enrichir sans scrupules et au détriment de l'économie nationale.