Il y a cinquante-deux ans, le 19 mai 1956, les étudiants algériens avaient répondu à l'appel du Front de libération nationale de quitter les bancs des universités et des lycées pour rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale. Plus d'un demi-siècle plus tard, l'épopée de ces révolutionnaires de la plume enchante toujours les Algériens, tout comme cela a été le cas pour d'autres catégories de militants de l'époque, notamment les footballeurs de la prestigieuse équipe du FLN. Le 19 mai 1956, les Belaïd Abdesselam, Taleb Abderrahmane et des milliers d'autres étudiants décident de déposer les stylos et prendre les armes pour lutter contre un colonialisme des plus barbares. Ils décident de rejoindre le maquis, car au moment où ils poursuivaient leurs études à l'université, leurs frères combattaient, les armes à la main, l'armée coloniale. «Nos diplômes ne feront pas de nous de meilleurs cadavres.» Ce slogan a été entendu partout. Pour son encadrement, la révolution avait besoin de militants dévoués, mais surtout instruits. Dans la foulée, la «révolte» a donné naissance à l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) affiliée au FLN. L'organisation estudiantine était présidée par Salah Laouanchi. Après son arrestation, la présidence revenait à Ahmed Taleb-Ibrahimi. Au-delà du contexte de l'époque qui fait que prendre part à la révolution est avant tout un devoir, l'adhésion des étudiants et autres lycéens au combat libérateur avait donné des résultats inestimables. Car, en plus des soins prodigués aux moudjahidine et autres fonctions administratives accomplies par les nouvelles recrues, cette élite a servi de socle également à l'Algérie indépendante. Ce sont, en effet, des centaines de ces étudiants déserteurs qui ont assumé de hautes fonctions après l'indépendance. On retrouvera des politiques mais aussi des cadres d'entreprises et d'administrations. Même l'université de l'Algérie indépendante a été encadrée par une bonne partie de ces militants qui, pour certains d'entre eux, avaient également servi d'enseignants dans les cycles inférieurs. Il est évident qu'avec l'indépendance, le visage de l'université change. Durant les années 1960, mais surtout 1970, des milliers de cadres ont été formés, essentiellement pour faire face à une politique d'industrialisation massive et d'autres réformes, à l'image de la révolution agraire. Seulement, même si tout le monde reconnaît aujourd'hui la qualité de ces cadres, il n'en demeure pas moins que la réussite ou non de cette période reste très discutable. Pas en ce qui concerne la valeur des diplômés de l'époque, mais surtout sur la politique suivie. Mais ce qui est établi est que cette période qui a suivi l'indépendance était nettement meilleure que celle qui a suivi l'avènement de l'école fondamentale. Reflétant parfaitement la situation chaotique du pays, l'université des années 1990-2000 a accéléré la décadence, résumée dans «l'école sinistrée». A cela il faut ajouter la dégringolade de la situation sociale des étudiants d'aujourd'hui, même si des réformes sont tentées, à l'image de ce système LMD proposé par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique qui ne fait toujours pas l'unanimité et dont les résultats ne sont toujours pas connus. La seule satisfaction que tirent, a contrario, les pouvoirs publics, est celle de l'arithmétique. Chaque année, on annonce le nombre de réalisations accomplies et le nombre d'étudiants qui fréquentent les amphithéâtres. Quant à la qualité, cinquante-deux ans après mai 1956, l'université algérienne stagne au bas du tableau, derrière des établissements de pays beaucoup moins avancés et bien plus pauvres que l'Algérie. A méditer… A. B.