De notre correspondant à Constantine Nacer Hannachi Les liesses collectives traditionnelles ou les fêtes populaires sont-elles en train de reprendre leur dynamisme en Algérie ? Certains affirment que non et que, en fait, on en confond l'appellation et l'expression avec celle des différents festivals des arts populaires institutionnalisés dans plusieurs régions du pays. Ces festivals, qui viennent tout juste de naître, pour une raison ou une autre -pour, entre autres, être au diapason de ce qui se fait ailleurs, avec les nouvelles tendances mondiales en matière d'art, diront les plus sceptiques- ne font que présenter des échantillons des cultures locales et des fêtes populaires dont certaines durent en réalité plus longtemps que le festival qui les présente. De par le monde, chaque jour est synonyme de célébrations légendaires. En Asie, en Europe comme en Afrique, il est des peuples, des tribus, des villages qui maintiennent intact leurs héritages culturels séculaires à travers la reproduction et la pérennisation de musiques, danses et autres traditions, question de reconstituer le puzzle de leur histoire et de leur identité. Rio a son traditionnel festival annuel de danse qui, au fil des décennies, est devenu un véritable rendez-vous, non seulement de toutes les écoles de samba, mais aussi économique. Le festival grandit et attire le monde entier qui se bouscule afin d'y assister. Des milliers de visiteurs affluent à Rio pour voir ce qui est en passe de devenir un patrimoine mondial. Il en va de même pour Venise et ses bals masqués ou sa fête des crêpes qui remonte au temps des Romains mais continue à ce jour de faire le bonheur des bouches gourmandes et des commerces vénitiens.Et Constantine dans tout cela ? La ville millénaire pourrait d'une main ressusciter ses habitudes en déperdition. Pour cela, il importe de redistribuer les rôles et d'exhumer les traces que la ville serait en passe de perdre. La capitale de l'Est a été, de tout temps, assimilée à une ville du malouf, de la broderie et notamment des ponts suspendus. Quant aux fêtes populaires printanières qui égaillaient ses rues, personne n'en parle plus. Elles sont en voie de disparition. La cité n'en garde que la fête de distillation des extraits de rose et de fleur d'oranger qui continue d'exister. Cette tradition remonte au douzième siècle, à l'époque d'une Andalousie opulente en jardins d'orangers dont la culture s'était propagée dans le Bassin méditerranéen et était arrivée jusqu'à la municipalité de Hamma Bouziane. Mais la pollution, due au ciment, a fini par avoir raison de toutes les orangeraies de la région. Constantine a bien initié, il y a quelques années, une nouvelle «commémoration» qui a été baptisée «Kharjat sidi Rached». On associera à cette fête des troupes Aïssaoua qui se produiront en plein air pour remémorer la légende. Toutefois, cette fête annuelle n'a pas été accueillie à bras ouverts par les puristes des Aïssaoua locaux. De l'avis d'un d'entre eux, cet événement ne représente rien et ne symbolise aucunement Sidi Rached. Car, dira-t-il, il n'y a pas de liens entre le marabout et la confrérie des Aïssaoua…Il y a aussi ces semaines culturelles de wilaya initiées par le ministère de la Culture pour offrir à chaque région du pays l'occasion de faire découvrir ses cultures locales, mais, comme pour les festivals des arts populaires cités précédemment, ces semaines ne font aussi que présenter des échantillons de fêtes sorties de leur contexte, ce qui ne peut intéresser beaucoup de gens. Des troupes de l'Algérie profonde se sont bien produites à Constantine, mais elles trouvaient rarement un retour d'écoute. Or, les fêtes populaires sont un patrimoine culturel à ressusciter en vue d'en tirer profit, culturellement et économiquement. Les commémorations ancestrales devraient être recensées en se basant sur des études et des recherches historiques qui les authentifieraient. En attendant, ce sont les festivals institutionnalisés, ces ersatz qui ne remplaceront jamais une authentique fête traditionnelle, qui raflent la mise. Ils ont de l'audience et de l'argent. Mais ils ont aussi relégué au second plan les expressions folkloriques d'antan.