«La loi Morin est une mascarade […] La justice française est incompréhensible, injuste et raciste… !» Autant de déclarations lourdes de portée prononcées lundi dernier lors du colloque international organisé par le ministère des Moudjahidine sur les essais nucléaires français en Algérie à Alger par M. Roland Pouira Oldham. Ce dernier, en sa qualité de président de l'Association Moruora E Tatou, qui milite pour les droits des victimes polynésiennes à la suite de leur irradiation par les essais français accomplis sur leur terre, n'a pas dissimulé son amertume devant l'indifférence des autorités françaises face au désarroi de son peuple. S'adressant aux Algériens, il dira sa compassion pour les mêmes endurances vécues et suggérera, fort à propos, l'unisson des voix algériennes et polynésiennes pour faire front unique contre le mépris de la France. Car il s'agit bien d'un mépris, et c'est cela le plus grave, dira ce témoin précieux de l'irresponsabilité de cette ex-colonie qui refuse d'assumer les erreurs de son passé en ignorant les cobayes humains qui en ont payé les frais d'une manière ou d'une autre. Au moment où d'autres puissances nucléaires ont franchi le pas de la réparation comme c'est le cas pour le gouvernement anglais vis-à-vis des victimes australiennes, la France refuse de rendre justice à ces innombrables «irradiés» d'Algérie. Il lui aura fallu cinq décennies pour consentir à «pondre» la loi Morin portant indemnisation de ces victimes au même titre que celles de Polynésie, mais la substance de ce texte juridique est de nature davantage à exacerber le rapport de dédain envers ces dernières qu'à les rétablir dans leurs droits. Ses clauses, ont relevé de nombreux participants à ce colloque, sont dissuasives dans la mesure où la majorité des victimes n'ont pas la capacité de prouver leur contamination en fournissant des arguments médicaux et des données géographiques précis. Et c'est précisément à la France qu'incombe l'obligation de restituer les archives y faisant référence, étant donné que c'est l'administration coloniale qui avait pris le soin de ne laisser aucune trace sur le sol algérien, y compris après l'indépendance. Mais au-delà du délicat dossier de l'indemnisation des «irradiés» algériens, la France est rattrapée par tout son passif colonial et est dans l'obligation de reconnaître ses crimes de guerre envers les Algériens. Et en l'absence de cette reconnaissance, qui a avant tout valeur morale, il est difficile de concevoir des relations dépassionnées, dépolluées de toute rancœur et surtout d'égal à égal. Et la récente bavure verbale du chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, n'échappe pas à cette vision méprisante que semblent encore entretenir les officiels français à l'égard de leurs ex-colonies. La France, non encore décomplexée de son renoncement à l'Algérie, ne devrait pas occulter les sacrifices des milliers d'Algériens qui ont sacrifié leur vie pour que leur patrie recouvre sa souveraineté et sa dignité. M. C.