Depuis quelques mois, Alger la blanche attise les convoitises. Les défilés fréquents de délégations officielles en provenance d'autres cieux font penser à la danse des paons. D'Europe, d'Amérique, de pays arabes ou d'Afrique, les avions spéciaux transportant les envoyés aussi spéciaux et autres hommes d'affaires étalent leurs ailes au salon d'honneur de l'aéroport international d'Alger à intervalles réduits. Objectif séduction. Avec force éloquence et la langue «ointe de miel», les courtisans sont rodés aux manières des gentilshommes. «Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.» Mais Alger est en colère. Rompue aux exercices de charme et échaudée par les trahisons successives, elle accueille sans chaleur. Qu'à cela ne tienne. Ce sont là des manières qui stimulent les Casanova de la diplomatie. Pour accrocher, il faut provoquer. Et pour entretenir la flamme, alterner le chaud et le froid. Tout un art, maîtrisé à outrance par les administrations américaine et française. Première étape : provocation. Mettre l'Algérie sur la liste des pays à haut risque sécuritaire, porter atteinte aux personnalités diplomatiques, déterrement des vieux dossiers… De loin, on la provoque, on sonde son pouls, sa réaction. Touchée, elle s'offusque et manifeste son mécontentement. «Vous me devez des explications», s'indigne-t-elle. C'est l'ouverture. La brèche recherchée. La première étape est accomplie avec succès. «Mettons en route les réacteurs des avions, chauffons les moteurs, Alger nous attend», semblent-ils se dire. Seconde étape : explications. On adopte les réactions de vierges effarouchées. Les responsables ne savaient pas que l'Algérie était visée. «Ce sont nos institutions ‘‘libres'' qui ont pris les décisions décriées. On va remédier à ces quiproquos. Dès notre retour, on réglera le différend», promettent-ils. Troisième étape : boniments. Faire entendre à sa «proie» la douce musique qu'elle affectionne. Ici, elle sonne aux rythmes des investissements et de la coopération. On fait appel aux hommes d'affaires et aux cours des «présidents». Formés à la même école, ces bonimenteurs ont appris par cœur leurs leçons. «L'Algérie est un partenaire de choix», «la coopération bilatérale est très fructueuse», et après un temps de suspense «elle gagnerait à être plus développée.» Des phrases toutes faites, mais qui sonnent faux. La France envoie le secrétaire général de la présidence de la République pour trouver une «sortie de crise». Il faut dire qu'elle détient la palme d'or en matière de provocation. Ses représentants sont accueillis sans fanfare. L'Algérie fait la moue. Elle ne démord pas de sa colère. La France est allée trop loin dans ses commérages. Les Américains sont plus fins. Leur dosage (de provocations) peut-être dilué. Ils envoient Mme Janet Sanderson, sous-secrétaire adjointe américaine au département d'Etat pour rassurer. Elle est suivie par une délégation d'hommes d'affaires et autres responsables courtois. Le langage est encore plus mielleux. «Les Etats-Unis d'Amérique appuient tous les pays qui développent l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, dont l'Algérie», a indiqué Mme Burk, lors d'une conférence de presse tenue à l'ambassade des Etats-Unis. Ce nucléaire pour lequel, un autre pays, l'Iran risque des sanctions internationales est proposé aussi simplement à l'Algérie. Bonimenteurs ! Pendant ce temps, Alger fait durer le suspense. Il ne montre pas de satisfaction. Il enregistre un excédent commercial de 559 millions de dollars en janvier 2010. Il est temps de mettre le fromage au frigo et decadenasser la ceinture de chasteté. S. A.