George W. Bush a la particularité d'être le président américain le plus impopulaire dans le Monde arabe. Mais en quittant le Moyen-Orient, après sa très remarquée tournée, il laisse derrière lui un goût amer mêlé de scepticisme et de ressentiment. C'est qu'il ne subsiste point de signes apparents pour un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Et l'Etat viable promis à ces derniers à coups de discours lénifiants et de promesses inlassables semble désormais faire partie du surréel. Avec sa visite en Arabie saoudite, après le dithyrambe proféré à propos des «réalisations israéliennes» dans la région, le président américain avait d'autres priorités. Imposer à l'allié saoudien une augmentation de la production de brut nécessaire à l'économie américaine en souffrance, évoquer, encore une fois, la «menace iranienne», pousser vers plus d'escalade contre Téhéran et Damas et sommer les Arabes à abandonner toute résistance. Mais tout cela relève incontestablement du déjà-vu. Quatre mois plus tôt, lors d'une autre visite tout autant médiatisée et, disait-on, porteuse de «changements majeurs», il était rentré aux Etats-Unis sans avancées notables. Avec à l'appui les éternels discours sur sa fameuse vision de la paix. Les Palestiniens, dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie, souffrent toujours le martyre quotidiennement sans susciter la moindre compassion. Pour cette fois-ci, le président américain s'est déplacé dans la très fragile région beaucoup plus pour fêter les soixante ans de la création de l'Etat hébreu. Et les autres étapes chez les «modérés arabes» étaient programmées par pure compensation. Dans son discours à Charm El Cheikh, en Egypte, devant des responsables politiques et économiques arabes réunis dans un forum économique régional, il dira qu'il croit «fermement qu'en assumant ses responsabilités et en faisant preuve de courage […] un accord de paix est possible cette année». Mais entre le discours plutôt optimiste et la dure, voire mortelle, à réalité du terrain, il y a un profond fossé. Le summum de la partialité Un véritable déphasage est perceptible entre l'acte et la parole du premier responsable du «parrain de la paix au Proche-Orient». Et malgré les sempiternelles discussions avec le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, comme celui de la semaine dernière à El Qods, le processus de paix est véritablement au point mort. Le président américain, qui cherche une fin de mandat le propulsant sur le devant de l'histoire, n'avait nullement de progrès concrets à annoncer. Dans son discours, Bush a donné une explication nouvelle à la difficulté de trouver une issue à la crise proche-orientale. Il s'agirait d'«un combat idéologique dont le Moyen-Orient serait le théâtre et qui opposerait les forces modérées aux forces extrémistes», au premier rang desquelles se trouverait évidemment l'Iran. Il a appelé le Monde arabe tout entier à isoler les «Etats voyous» l'Iran et la Syrie, à empêcher la République islamique de se doter de l'arme nucléaire. Mieux, il a sommé les Arabes de rejeter les mouvements de résistance tels que le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais avant la fin de son mandat en janvier 2009. Ce qui mènerait à la création de ce fameux Etat palestinien difficilement réalisable. Le nouveau chantage est palpable. Pas d'Etat palestinien sans l'annihilation des dernières poches de résistance à l'hégémonisme israélo-américain dans la région. Bush se déclare constamment «optimiste» et laisse la porte ouverte à une nouvelle visite dans la région, qui serait sa troisième en un an. Pourtant, les «progrès tangibles» dont il est question dans les discours (les frontières, les réfugiés, El Qods, etc.) il n'y en a point sur le terrain. Un Proche-Orient sans Hezbollah et Hamas Le pessimisme est grandissant, conforté qui plus est par la duplicité de la Maison-Blanche et relayé par des régimes arabes plus aptes à la compromission que jamais. Le président américain a pourtant outré les forces vives arabes par un positionnement au summum de la partialité. «Le discours de Bush devant la Knesset nous a mis en colère», a tempêté Mahmoud Abbas à l'issue d'entretiens avec le président égyptien Hosni Moubarak. L'allié saoudien a fait savoir sa «tristesse» à Bush pour le discours extrémiste à la Knesset. Et le président égyptien, un autre allié, a prévenu que les Arabes n'apporteraient pas leur soutien à un accord ne satisfaisant pas les revendications des Palestiniens. Aussi bien les dirigeants palestiniens que les alliés arabes ont fait savoir que Bush devrait faire plus et amener les Israéliens à plus de concessions. Ils semblent redouter que Bush se contente d'un accord minimum. Ne pas imposer de pression sur les Israéliens et revendiquer en parallèle un succès diplomatique avant la fin de son mandat. Mais les envolées frondeuses des dirigeants arabes semblent n'avoir aucun effet sur la réalité. A penser qu'elles seraient uniquement destinées à la consommation interne. De simples protestations médiatiques plutôt à l'adresse de cette «rue arabe» en totale déphasage avec le discours officiel. Devant le Parlement israélien, jeudi dernier, George W. Bush, le président de la puissante Amérique, n'a évoqué l'existence d'un Etat palestinien que du bout des lèvres. Mais summum de la mauvaise foi, voire de la duplicité, il ne s'est pas rendu dans les territoires palestiniens toujours occupés. Il est vrai que, sur ce qui reste de terres palestiniennes non encore grignotées par les colons, on commémorait la Nekba, la catastrophe qui frappe tout un peuple depuis plus de soixante ans et que l'Amérique de la liberté et des droits humains «conforte» par sa partialité criminelle. M. B.