Aucune personne sensée, jouissant d'un minimum de lucidité, ne peut en ce début de printemps nier les profondes perturbations que traversent les secteurs de la santé et de l'éducation nationale. Aucun pédagogue sérieux ne peut s'avancer à décréter que la longue grève des enseignants n'a été qu'une écume, que les programmes ont suivi un cours normal et que les examens vont se dérouler dans le climat, la concentration et l'accumulation de connaissances nécessaires à des étapes importantes pour les élèves et les parents. Continuer à bricoler et faire comme si rien ne s'était passé reviendraient à pratiquer avec persévérance la politique de l'autruche. Les citoyens n'auront rien retenu des communiqués de la tutelle sur les salaires des éducateurs, du charabia autour des indemnités, des indices, des primes et autres indicateurs maniés par des fonctionnaires dont c'est le travail. Les parents et leurs enfants n'ont d'intérêt que pour le programme, les retards, les éventuels rattrapages et, bien entendu, les examens qui vont sanctionner toute une année qui n'a pas été un long fleuve tranquille. Le reste, tout le reste n'est que procès d'intention, accusations surréalistes et fuite en avant. L'autre corps malade qui ne prend pas le chemin de la guérison, alors qu'il est vital pour la société, est celui de la santé publique. Ce dernier est gravement atteint sans pour cela inciter à la «guéguerre», chercher le bouc émissaire et pointer des responsabilités exclusives alors qu'elles sont largement partagées. De simples reportages TV dans les hôpitaux, aux urgences de jour comme de nuit, des débats ouverts en direct entre médecins, personnel paramédical, patients, parents de malades chroniques et managers ouvriraient les yeux à de nombreux décideurs. Et s'il fallait des preuves supplémentaires du sous-développement de la santé et du système éducatif, de l'école du doctorat, de simples enquêtes et statistiques le démontreraient très facilement. Les Algériens qui ont les moyens financiers, qui occupent des postes supérieurs se font soigner avec leur famille en Europe. Les hôpitaux et cliniques privées de ce continent ont le listing d'Algériens soignés chez eux, avec une prise en charge ou à leurs propres frais. Ces mêmes nationaux décrivent dans le détail les différences énormes qu'il y a entre la qualité des soins, la propreté et l'humanisme en vigueur en Europe et les paysages de désolation propres à l'Algérie. Dans les lycées et les universités d'Europe, des Etats-Unis, des Algériens riches ou bien bénéficiant de bourses poursuivent des études dans d'excellentes conditions. Et certains ne reviendront plus jamais au grand bénéfice des pays industrialisés où ils peuvent progresser, s'épanouir, prendre des vacances et vivre comme des gens civilisés, de leur temps. Les exemples d'Algériens connus et reconnus à l'étranger sont fort nombreux et l'équipe nationale de foot en fournit une preuve irréfutable. A côté de ces deux secteurs traumatisés et retardataires, on ajoute les forces de police et la justice qui sont systématiquement enrôlées pour réprimer et punir. Il serait pourtant plus constructif que les représentants d'une quelconque revendication d'envergure arrivent à une destination annoncée, se font entendre et remettent par écrit des doléances. Protégés par la police, responsable de l'ordre public et des biens, les manifestants se dispersent dans le calme en chantant des slogans. «Cela pourrait donner des idées», diront les plus réactionnaires. «Par la suite, les grévistes pourraient vouloir expliquer leur démarche au journal télévisé», etc. Ces mœurs démocratiques sont tout simplement inenvisageables. Mais il est prouvé par l'histoire des grandes nations que, lorsque des citoyens sont informés, éduqués, conscients et revendiquent toujours plus et mieux, leurs dirigeants sont respectés et écoutés à l'étranger. En attendant, il serait intéressant de suivre les dates et le déroulement des examens du baccalauréat dans les pays qui sont qualifiés pour la Coupe du monde, surtout ceux qui vont arriver à la finale. Pour le moment, ici, c'est la guerre des communiqués à travers laquelle le seul souci est d'éviter la contagion, civilisée ou sous-développée, où l'on frappe, l'on crie pour mieux recommencer. Le bruit étrange des communiqués fait penser à un combat de sourds-muets aux yeux bandés. A. B.