Synthèse de Chafaa Bouaiche Après plus d'une semaine de discussions à l'OMC, les négociateurs ne sont pas parvenus à un accord sur l'agriculture et les produits industriels. En effet, la réunion d'hier a tourné en séance d'échanges d'accusations entre pays développés et pays émergents. Les Etats-Unis ont responsabilisé la Chine et l'Inde dans le blocage des pourparlers, les accusant d'empêcher un accord. Un négociateur américain a accusé New Delhi et Pékin de remettre en cause l'ébauche de compromis péniblement négociée vendredi. En effet, lors de cette réunion, un paquet de propositions sur l'agriculture et les produits industriels a remporté l'aval de la majorité des grandes puissances commerciales. Mais l'Inde boude le texte, suivie par plusieurs pays en développement qui craignent pour leur industrie ou leur agriculture. Lors d'une réunion d'une trentaine de ministres dimanche soir, le G33 (groupe de pays en développement) et le groupe africain ont déposé un texte remettant en question l'ébauche d'accord qui avait émergé. Le texte exige que le mécanisme de sauvegarde, qui permettrait à un pays d'augmenter ses droits de douane en cas de flambée d'importations, puisse être déclenché à partir de 10% d'augmentation du flux normal des importations. Réagissant aux déclarations américaines, le ministre indien du Commerce a qualifié les accusations d'injustes. Selon lui, les Etats-Unis les profèrent seulement parce qu'ils «n'atteignent pas leurs buts». «Ceux qui bloquent ce cycle, ce sont les grands pays développés qui privilégient leurs intérêts commerciaux et cherchent à améliorer encore leur prospérité plutôt que de se concentrer sur ce qui pourrait contribuer à réduire la pauvreté», a affirmé le négociateur indien. De son côté, Pékin a averti que la Chine entendait protéger sa production de riz, de coton et de sucre, produits sur lesquels elle ne veut pas abaisser ses droits de douane. Réfutant les accusations américaines, le négociateur chinois a affirmé que son pays et l'Inde ne bloquent pas les négociations. «Il y a plusieurs autres pays qui ont fait des déclarations allant dans le sens de celles de l'Inde et de la Chine», a-t-il expliqué. Le porte-parole du gouvernement français a affirmé hier que la France ne signera pas «en l'état» le projet de l'OMC car «il ne comporte aucune avancée sur des éléments tout à fait essentiels». Selon lui, «si l'Europe devait jouer un rôle moteur dans la promotion des pays les plus pauvres, elle devrait aussi assurer la protection des intérêts européens avec une grande vigilance et sans naïveté notamment à l'égard des pays émergents». Par ailleurs, pour protester contre un accord quasi finalisé entre Latino-Américains et Européens sur le régime d'importation des bananes dans l'UE, les pays du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) ont quitté une réunion plénière hier. L'UE et l'Amérique latine se sont mis d'accord sur la fin de la «guerre de la banane» qui les oppose depuis 25 ans. Cet accord, qui prévoit de ramener progressivement d'ici à 2016 le droit de douane européen à 114 euros par tonne contre 176 actuellement, n'a pas été formellement signé. Les ACP jugent ce calendrier inacceptable, estimant qu'il ne leur permet pas d'adapter leur production face à la concurrence des Latino-Américains. Sur un autre registre, la Chine a demandé l'élimination des subventions américaines sur le coton. «Nous savons tous que, selon les règles de l'OMC, les subventions créant des distorsions commerciales sont illégales alors que les droits de douane sont des mesures légales de protection», a souligné le négociateur chinois. «Nous estimons que les Etats-Unis ne sont pas en position de discuter avec les pays en développement des tarifs sur le coton tant qu'ils n'auront pas éliminé leurs subventions», a estimé l'ambassadeur chinois. Dans l'état actuel des choses, les négociations risquent de ne pas faire aboutir le cycle de Doha sur la libéralisation du commerce mondial, lancé en novembre 2001 dans la capitale du Qatar.