Le feuilleton Khalifa n'en finit pas de surprendre en raison des multiples reports auxquels est soumis le dossier toujours à l'étude au niveau de la justice britannique. «Complexe», a qualifié le ministre britannique de l'Intérieur Alan Johnson, le dossier pour lequel il a demandé un délai supplémentaire, jusqu'au 30 avril pour décider sur l'extradition de Abdelmoumene Khalifa. M. Tayeb Belaïz, garde des Sceaux, avait espéré, le 8 mars dernier, en marge de la cérémonie organisée à l'occasion de la Journée internationale de la femme, que la décision du ministère de l'Intérieur britannique sur l'extradition de Khalifa serait connue le 31 mars. Il avait même suggéré que le dernier report demandé par le ministère de l'Intérieur britannique devait être l'ultime tout en se gardant de rappeler que «le plus important pour la justice algérienne est d'avoir obtenu un prononcé du verdict en sa faveur, le reste relevant de la procédure administrative. Nous savons que l'exécution de cette décision relève du ministère de l'Intérieur et c'est une question de souveraineté». M. Johnson devait initialement rendre sa décision positive ou négative avant le 24 octobre 2009. Mais il a obtenu un report à quatre reprises, en incluant celui qui porte la nouvelle date butoir au 30 avril. L'Algérie avait crié victoire en juin 2009 avec l'accord obtenu du juge Timothy Workman du tribunal de Westminster qui avait accepté d'extrader Abdelmoumene Rafik Khelifa et de le remettre aux autorités judiciaires algériennes, estimant que l'extradition de Khelifa «ne contrevenait pas à la Convention internationale des droits de l'Homme». Dans un communiqué publié à l'issue de cette décision, le ministère de la Justice avait indiqué, rappelons-le, que la décision d'extradition «a été prise suite à une série de procédures qui ont abouti à l'annonce de l'acceptation de la demande algérienne en la forme et à l'examen, ensuite, de l'objet de la demande, la vérification des pièces à conviction, en s'assurant que les conditions qui garantissent un jugement équitable du concerné devant les tribunaux algériens sont réunies et ce, au cours de nombreuses séances d'audition des témoins, d'experts et des plaidoiries des avocats». La demande algérienne pour l'extradition de Khelifa est basée sur des documents relatifs à la falsification de l'hypothèque de la villa familiale et d'un local commercial jusqu'à la constitution du groupe Khalifa. Parmi les autres chefs d'inculpation retenus contre Khelifa figurent également les cas de vols survenus au niveau des différentes agences d'El Khalifa Bank sur ordre de l'accusé lui-même, la gestion anarchique et la négligence ayant marqué les transferts de devises sous le couvert de diverses transactions qui étaient en réalité, selon la liste des chefs d'accusation, des détournements organisés. Mais, malgré «la solidité du dossier présenté à la justice britannique», la décision du juge Timothy Workman et les multiples délégations britanniques reçues en Algérie ces deux dernières années (séminaires, visites de prisons…) pour s'assurer que la justice algérienne est en mesure d'offrir un procès équitable et des conditions de détention respectant les droits de l'Homme, la procédure est loin d'être gagnée. Seule explication avancée : «le dossier est complexe». Cela implique-t-il que l'appréciation de Timothy Workman est discutable ou que ce dernier n'a pas en sa possession toutes les données dont certaines permettent au ministère de l'Intérieur britannique d'avoir une meilleure appréciation justifiant sa temporisation à se prononcer ? Cette affaire est-elle en train de prendre d'autres dimensions que celles liées uniquement au respect du droit ? Sûrement, puisque la justice britannique a autorisé le gouvernement de son pays à extrader Abdelmoumene Khalifa vers l'Algérie, et c'est à Londres de prendre la décision. Il s'agit alors une affaire diplomatique d'Etat à Etat. Rappelons que Abdelmoumene Khalifa a été condamné par défaut en mars 2007 à la réclusion à perpétuité par le tribunal de Blida notamment pour faillite frauduleuse, association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds et faux et usage de faux. Il a été arrêté le même mois à Londres, où il s'est réfugié en 2003, dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen délivré par le tribunal de grande instance de Nanterre, près de Paris. La France a également déposé une demande d'extradition auprès de Londres mais son examen a été gelé, dans l'attente d'une décision définitive sur la demande algérienne qui prévaut sur celle de Paris. En attendant, la procédure en France se poursuit mais la justice est divisée sur la tenue devant un tribunal à Nanterre d'un procès Khalifa. Une juge d'instruction de Nanterre veut y faire comparaître l'ancien homme d'affaires, lui reprochant des délits de banqueroute par dissimulation ou détournement d'actifs. Mais le procureur du parquet de Nanterre s'y oppose, estimant que les faits de banqueroute ne peuvent y être poursuivis car ils n'ont pas été commis dans le ressort du tribunal et les sociétés visées n'ont pas de personnalité morale propre en France. Ce dernier a saisi une cour d'appel qui devra trancher à une date qui n'a pas encore été fixée. Dans ce procès de Nanterre, 11 personnes ont été renvoyées devant le tribunal, dont l'ex-épouse du golden boy, Nadia Amirouchen, et des représentants des sociétés Khalifa en France. Quatre d'entre eux ont fait l'objet d'une demande d'extradition de la part de l'Algérie, mais qui n'a jusqu'à ce jour pas abouti. Précisons enfin qu'en cas de refus d'extradition la législation britannique permet à la Haute Cour britannique de s'opposer à la décision du ministre de l'Intérieur. En d'autres termes, il restera à la partie algérienne un recours à introduire. Dans le cas où le Golden Boy serait extradé, ce dernier bénéficiera d'un nouveau procès. H. Y.