Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili «Ah ! Ce qu'on est bien», aurait dit Pascal Sevran s'il était encore en vie et présent aux journées du film francophone organisées par le ciné-club de Constantine. Agréable entame pour la manifestation culturelle organisée par le groupe du CCC, le choix de C'est pas moi, je le jure, film du Canadien Philippe Falardeau, a relevé tout simplement du fabuleux. Présenté comme une œuvre dramatique, et le sujet l'est d'ailleurs, C'est pas moi, je le jure a permis à une salle conquise dès le départ de rire à s'en préserver les côtes. Tout passe dans cette fiction qui n'en est pas en réalité dans la mesure où il est question du déchirement au sein d'un couple dont les scènes de violence mutuelles, homériques sont littéralement devenues un ingrédient naturel de la vie de tous les jours de leurs deux enfants. Faire rire à tous crins même au cours des séquences supposées remuer les âmes sensibles et les personnes aux réactions lacrymales spontanées semble avoir été le credo du réalisateur. Il ne s'est pas trompé, le héros essentiel du film, en l'occurrence le petit Léon, un personnage proche de Denis la malice, parfois ange et démon très souvent, pose, en dehors des dialogues ouverts avec le reste des protagonistes, des questions très pertinentes en aparté. Comme celles relatives à Dieu, au sexe, à la politique, au voisinage et autres qui font que les adultes se présentent sous leur vrai jour, autrement dit hypocrites, dès lors qu'ils sont scrutés sous un autre prisme : le regard d'un enfant. Suicidaire en puissance, Léon ne comprend pas que sa mère décide un jour de plaquer le domicile conjugal pour aller en Grèce, «pour y travailler», lui dira-t-elle, répondant à sa question. «Parce que le ciel y est bleu, qu'il y a tout le temps le soleil et l'horizon couvert d'un voile blanc, un voile que fait la… poussière.» «Tu me quittes donc pour de la poussière», conclura logiquement Léon. C'est autant d'incongruités qui meublent le quotidien d'une famille que déjà la nature n'a pas gâtée, preuve en est fournie quand leurs voisins partent en vacances pour la mer alors que le ciel est totalement gris et menaçant, d'où les phantasmes de la mère devenue sans doute acariâtre pour au moins cette raison et au-delà des arguments, même légitimes, qu'elle avance pour culpabiliser un père trop pris par ses affaires professionnelles. Les pesanteurs de la religion sont omniprésentes, soit par l'évocation faite par la mère qui parle d'une lumière blanche à la sortie d'un tunnel dont elle se souvient une fois qu'elle était dans le coma ou encore par la présence du paroissien des lieux qui s'invite à déjeuner pour rappeler les liens qui unissent ses ouailles à Dieu le père. L'auteur aurait-il voulu dire que le Canada est un pays où il ne fait pas bon vivre qu'il n'aurait pas pu mieux. Son film est pratiquement une contre-publicité à tout ce qui peut être dit de valorisant pour les autorités de ce pays qui n'arrêtent pas de faire l'apologie de l'immigration, comme elle l'est aussi pour tous les rêves qu'échafaudent les candidats au départ. La religion est également prise à contre-pied ou est un peu malmenée à travers la relation à la limite de l'inceste, œdipienne, entre Léon et sa mère, quoique cette relation soit présentée au fur et à mesure des mésaventures du gamin comme une grande complicité. Il y a bien longtemps qu'à Constantine une salle n'a pas accueilli un tel public. Eclectique à souhait, chacun en a eu pour ses vœux, les croyants, les apostats, les cinéphiles, les curieux, les filles voilées ou non, du dernier chic ou du humble, des jeunes et des moins jeunes, des seuls et des accompagnés et souvent en famille. Le maire ainsi que le directeur de la jeunesse et des sports ont tenu à marquer leur présence et pour cause… la présence d'un représentant de l'ambassade du Canada. Pour un coup d'essai, le ciné-club de Constantine semble être parti pour réussir un coup de maître.