«La terre à qui la travaillera.» C'était le slogan de la révolution agraire qui, dans le milieu des années 1970, définissait la politique agricole de l'Algérie socialiste. Nationalisation et redistribution des terres, construction de 1 000 villages socialistes pour les travailleurs de la terre, distribution gratuite de matériels, semences, fertilisants et produits phytosanitaires… les agriculteurs sont choyés. C'est la nouvelle force productive du pays qui avait pris l'option de l'indépendance frontalière : «Nous mangerons ce que nous produirons», clamaient les politiques. On ne tardera pas à se rendre compte que les rendements agricoles ne pourront jamais suivre la courbe démographique ascendante. «Une bouche de plus, c'est deux bras de plus», avait répondu le pouvoir algérien d'alors aux organisations onusiennes qui voulaient attirer son attention sur les menaces qu'une explosion démographique ferait peser sur l'économie naissante du pays. De plus, le déséquilibre dans la mécanisation de l'agriculture et l'absence d'obligation de résultats pour les agriculteurs, comme pour le reste des producteurs d'ailleurs (la manne pétrolière compensait les pertes et manques à gagner dus aux suremplois et à la faiblesse de la production), ont desservi notre agriculture plus qu'ils ne l'ont boostée.Il faut attendre les années 1980 pour voir un discret recentrage de la politique agricole qui tentera de corriger les imperfections et de réorganiser le secteur. Les exploitations agricoles collectives (EAC) et individuelles (EAI) en sont l'un des produits. Mais la réorganisation se résumera en fait à quelques changements qui ne bousculeront en rien les habitudes et les comportements de nos agriculteurs. C'est «bonnet blanc et blanc bonnet». L'Etat-providence est toujours là pour soutenir tous les secteurs publics, même les moins performants. Tout est subventionné. L'Algérien ne produit pas ce qu'il mange, il l'importe. Habitués à être soutenus par l'Etat sans devoir produire, beaucoup d'agriculteurs délaisseront le travail de la terre. Des périmètres seront laissés en jachère (bien qu'elle soit interdite) et d'autres seront loués à de tierces personnes (ce qui est aussi interdit). On a même vu des exploitants d'EAC et d'EAI lotir et vendre les terres agricoles que l'Etat leur a confiées à des entrepreneurs et des particuliers qui y ont construit des cités et des maisons. Aujourd'hui que l'Etat a décidé de remettre de l'ordre dans le secteur, on entend s'élever des voix pour critiquer vertement la démarche et crier à la mise à mort de l'agriculture. Le secteur n'était pas vivant pour qu'on puisse le mettre à mort. Il était déjà à l'article de la mort, et c'est les agriculteurs affairistes et les spéculateurs qui l'ont mis dans cet état, même si les pouvoirs publics, qui ont laissé faire, ont une part importante dans cette situation. Qu'on pense à récupérer les terres agricoles pour les redistribuer aux véritables exploitants ne peut qu'être profitable pour l'agriculture et le pays. Mais que ce soit d'authentiques agriculteurs, qu'on concrétise enfin le slogan «la terre à qui la travaillera», qui ne s'est jamais traduit sur le terrain. H. G.