Si la richesse des débats qui alimentent la presse privée est un signe témoignant de la vitalité des élites, de la société qui bouge, souvent dans la confusion, la classe politique de son côté ne montre pas la même énergie et encore moins des idées ou des programmes à même d'être en phase avec le bouillonnement du pays. Celui-ci, comme la plupart des nations, possède des atouts, des potentialités, une jeunesse débordante, des experts et des hommes politiques, mais aussi cette fameuse rente qui anesthésie l'innovation, l'inventivité et l'audace dans tous les domaines. Les polémiques qui ont suivi la LFC 2009 et la loi de finances 2010 se sont plus ou moins taries avec cependant des répliques qui ne rassurent pas les investisseurs étrangers. Les entrepreneurs (pas tous) ont manié la critique vis-à-vis de ce qui est qualifié de «patriotisme économique», pour ensuite soutenir le gouvernement et, enfin, le critiquer de nouveau autour de la franchise des droits de douane pour les importations. Prises sous n'importe quel angle, la cacophonie de certains entrepreneurs privés et l'absence d'une vraie table ronde avec l'Exécutif qui aurait instauré un consensus pour que tous parlent d'une seule voix, parasitent la vision de l'étranger. Mais il s'avère que cette phase qualitative n'est pas encore au point, ou bien bloquée quelque part. Des économistes et experts nationaux reconnus et dont la fibre patriotique n'est ni supérieure ni inférieure à celle des gouvernants proposent chaque jour des pistes. Ces Algériens ont le grand mérite de proposer et de soumettre à débat des chemins qui seraient vertueux pour l'agriculture, une stratégie industrielle, pour une économie fondée sur la connaissance, la situation des ports algériens, etc. Contrairement à l'aphasie des formations de la majorité qui s'en remet au seul président de la République, l'expertise nationale non officielle, donc non soumise à la hiérarchie, à la carrière ou à l'allégeance stérile mérite d'être écoutée. Dans le corps enseignant, dans le système de santé, pour les sports, l'urbanisme et l'écologie, le théâtre, la production audiovisuelle, de jeunes compétences nationales sont capables de réaliser de grandes choses. A l'image de Cevital et des groupes Haddad et DAHLI, des managers et des investisseurs d'envergure peuvent faire des émules, à condition d'être d'abord écoutés et ensuite accompagnés. Les perturbations pour cause de grève dans divers secteurs, parfois parmi les plus sensibles, ont confirmé l'absence d'une écoute réciproque et l'impuissance de l'UGTA qui ne peut empêcher une grève tout en perdant ce qu'elle savait à une époque : réussir comme intermédiaire fédérateur et dire non au gouvernement si nécessaire. Les essais qui consistent à rassembler des syndicats dans une grande fédération comme il y en a dans le monde ne sont pas forcément négatifs si un certain nombre d'adhérents le souhaitent. Ce qui pousserait l'UGTA non pas à s'opposer aux bonnes décisions du gouvernement, et il y en a beaucoup qui n'ont pas l'impact et la médiatisation moderne tant la communication officielle relève d'un autre âge, mais à ne pas dire oui après des tripartites où tout est convenu à l'avance. Les décisions que prendra le chef de l'Etat sont attendues et les bienvenues devant le cumul des couacs gouvernementaux. La loi sur le code de la route ajoute de la confusion par manque de préparation et d'explications. L'état des routes, l'absence de stationnements sous terre dans les villes, une vitesse limitée à 80 km sur l'autoroute depuis des lustres, des motocyclistes sans casque et des véhicules de 20 à 30 ans passant tous les jours devant la police en polluant, tout énerve les conducteurs et les piétons. La conférence sur le gaz a coûté beaucoup d'argent, alors les commentaires sont contradictoires entre «tout va bien» et «l'échec total». Il ne peut en être autrement pour une rencontre autour d'une question stratégique qui n'a bénéficié d'aucun plan média pour expliquer aux citoyens le pourquoi de la chose et les sensibiliser à l'après-pétrole. Les résultats sont le scepticisme des élites et l'indifférence des Algériens à cause d'une communication officielle ex cathedra sans contradicteur dans les médias lourds. Celle-ci tombe à plat, sans impact et allume des clignotants pertinents. A. B.