Lorsqu'en mai 2000 les journalistes algériens étaient appelés à élire leur premier conseil de l'éthique et de déontologie, la corporation était en droit d'espérer de nouvelles perspectives et de nouveaux horizons. Deux jours durant, les journalistes des rédactions centrales et ceux de l'intérieur du pays qui se sont déplacés par leurs propres moyens avant d'être remboursés sur les lieux, se sont réunis au complexe touristique de Sidi Fredj et ont débattu les grandes lignes de la charte d'éthique, avant d'élire leur premier conseil, non sans peine. Les principaux courants politiques et idéologiques présents au sein de la presse nationale, avaient nourri les débats et enrichi la charte, n'avaient pas moins altéré la vision des jeunes journalistes présents et encombré leurs horizons. Les conflits d'intérêts, les pressions sur les correspondants de l'intérieur du pays, les jeux de coulisses et autres astuces de grands caciques n'ont pas eu raison des convictions et de l'honnêteté de cette nouvelle génération de journalistes. Après de longues heures de débats et de discussions souvent nourries d'envies par certaines parties de s'emparer de la présidence et de faire main basse sur le premier conseil d'éthique de l'histoire de la presse en Algérie, les jeunes journalistes avaient fini par triompher. Ils avaient également réussi à transcender les clivages politiques et les divergences apparues en assemblées plénières entre les différents courants. Une peine, somme toute, légitime pour nos aïeuls qui avaient donné du piment, beaucoup de piment même, à ces premières assises nationales. Mais la volonté de la jeune garde a fini par transcender les clivages et les hostilités des uns et des autres. Par moments, les jeunes journalistes présents donnaient l'impression d'avoir perdu le fil des événements, ou d'avoir loupé l'essentiel, tant les débats étaient passionnés et très chauds. Certains ont même claqué la porte avant même le début des élections, annonçant «ne pas reconnaître ce conseil et tous les résultats qui en découleraient». C'était là la première faille du conseil, la politisation à outrance d'un instrument censé être académique et professionnel. Tard dans cette nuit estivale de mai 2000, les membres du premier conseil de l'éthique journalistique étaient élus à Sidi Fredj, à Alger. Certains candidats, en liaison téléphonique continue, mégot à la main, alimentaient leurs vis-à-vis en informations et nouvelles au sujet des orientations des votes. Mais le ton était déjà donné par la corporation qui annonçait une nouvelle ère et un nouveau départ. Tous les espoirs étaient permis alors. Cependant, les jeux d'intérêts en ont voulu autrement. Très loin en tête des scores, un confrère arabophone exerçant à El Khabar était élu avec un nombre important de voix. Un vrai plébiscite qui n'ayant pas ravi certains, qui se sont reconvertis en éléments de la police secrète. En fait, le seul journaliste qui avait fait l'unanimité et qui représentait la nouvelle génération avait fini par être supprimé de la liste des membres du conseil de l'éthique. «Il ne répondait pas aux critères que nous nous étions fixés. Il avait des antécédents judiciaires», rétorquait-on aux journalistes qui attendaient des explications. Le confrère en question avait fait l'objet d'une arrestation politique au cours des années 1980. C'était là la deuxième faille qui avait nui aux destinées du premier conseil d'éthique et de déontologie du journalisme en Algérie. M. O.