Photo : Riad Par A. Lemili Parler de profession, quelle qu'elle soit, induit obligatoirement une organisation, le respect d'une réglementation, de conventions et des relations, sur tous les plans, hiérarchisées. Si tel était le cas de la professionnalisation du sport en général et du football en particulier en Algérie, ce ne serait certainement pas faire un procès d'intention aux instances nationales du sport que de dire que les problèmes du football national ne se résoudront pas par une telle mesure. Certes, le professionnalisme est devenu un passage obligé pour l'ensemble des fédérations nationales parce que décidé, plus à tort qu'à raison, par celle internationale, passée d'organisation à visage humain à celui de «firme» et, même si les délais pressent, un tel objectif reste des plus prématurés compte tenu du fait que la saison 2011/2012 en est la date butoir et plus encore pour notre pays rien qu'à l'échelle régionale. Le texte essentiel derrière ce vent du changement lance en préambule : «Toute personne morale ou physique de nationalité algérienne peut constituer une société sportive commerciale…» Or, question de morale, il faudrait creuser très sérieusement la question, sinon en soupeser les conséquences. Légitimement, mais aussi parce que c'est aussi leur mission et qu'ils sont payés pour ça, les responsables nationaux en charge du sport voient en la professionnalisation du football la résorption de tous les maux qui le laminent. Juste et faux ! Juste, sachant qu'en tant que précurseur, l'Entente de Sétif reste comparativement aux autres clubs de l'élite le meilleur exemple de ce que pourrait apporter le professionnalisme pour peu que les dirigeants de formations sportives s'y mettent. Mais faux parce que en tant qu'histoire de répercussions positives c'est plutôt au seul rayon paillettes que le club s'est forgé une notoriété : il recrute les meilleurs joueurs pour la raison qu'il paie bien. Ce faisant, il entretient son standing grâce à ses participations aux différentes compétitions continentales et intercontinentales. L'ESS, excusez du peu, eu égard sans doute aux services rendus au pays profite de la mansuétude des pouvoirs publics locaux tout en continuant d'être géré comme n'importe quel autre club qui ne dispose pas des mêmes mannes et surtout de la prodigalité de ses partenaires. Dans son article 6 alinéa, le décret 06-264 du 8 août 2006 déterminant les dispositions applicables au club sportif professionnel stipule qu'entre autres les recettes du club sont constituées de celle «résultant des transferts des athlètes». A-t-on jamais su en Algérie combien a coûté un footballeur ? Comme tous les textes de loi qui pleuvent dans le pays, le décret évoqué et/ou ses dispositions ne sont certainement pas à remettre en cause sauf d'être un jour amendés en raison de situation nouvelle. Le problème étant surtout leur application dans l'esprit et la lettre. Or, nul n'ignore la promptitude de nos compatriotes à faire dans l'ijtihad pour passer d'une situation normale à une autre anormale (la fédération n'avait-elle pas décidé en début de saison de la rétrogradation d'un seul club et de l'accession de deux. Au bout du compte et à quelques encablures de la fin de la saison, elle décide de l'inverse), l'ancrer dans la tradition et, ce faisant, l'ériger en règle et bonjour l'impasse. Ça passe ou ça casse reste la devise des instances sportives nationales. L'un des préalables au passage de statut de club professionnel par le texte législatif précédemment évoqué est qu'est éligible à ces dispositions «tout club sportif régulièrement constitué… dont les recettes et rémunération atteignent le montant de 50 millions de dinars au titre du dernier exercice». Les mêmes instances dans une incommensurable largesse en proposent 100 avec un taux d'intérêt insignifiant et beaucoup d'autres avantages : concession de terrain pour un coût symbolique du mètre carré, charges à moitié partagées en cas de déplacement à l'étranger, stages, etc. Quid maintenant des obligations auxquelles le club professionnel est tenu à savoir «à présenter aux fins de contrôle son bilan moral et financier ainsi que tous les documents se rapportant à son fonctionnement et sa gestion, à dresser les inventaires et les différents documents comptables prévus par la législation et la réglementation en vigueur ou encore «de mener des actions de formation au profit des athlètes et de l'encadrement et de créer des centres de formation des talents sportifs, de participer à la prospection, à la détection et à l'orientation des jeunes talents sportifs, d'œuvrer à l'éducation et à la promotion de ses adhérents et de contribuer à la promotion du fair-play…». Vaste programme. Et, enfin, de «présenter, aux fins de contrôle, son bilan moral et financier ainsi que tous les documents se rapportant à son fonctionnement et sa gestion»… un autre vaste programme pour qui sait que la réalité du terrain ne risquera pas de changer malgré toute l'agitation née des annonces faites ces dernières quarante-huit heures autour de la professionnalisation du football national, d'une page prochainement tournée et de lendemains qui chantent. Si ce qui peut se passer sur les terrains prête facilement à instruction par décret, il est peu évident que les mentalités changent. Même dans les dix années à venir. Ne voilà-t-il pas avec cette professionnalisation du football encore un front incertain ouvert.