Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi «Les indices du désastre que connaît la filière sont des plus évidents, et ils se perçoivent en amont comme en aval.» C'est globalement l'avis de consultants rencontrés lors de la journée d'information sur la filière avicole organisée en marge du Salon de l'élevage et du machinisme agricole (Sispa 2010) qui s'est tenu du 17 au 20 mai dernier au salon des Expositions des Pins Maritimes. Depuis une décennie, cette branche de production de viande blanche ne cesse d'accumuler les déficits, affirment-ils. En effet, les rendements et la production sont en fort recul ces dernières années alors que la demande en viande blanche augmente au rythme de la croissance démographique du pays. Par ailleurs, les consommateurs ont pu le constater à leurs dépens, le recul de l'offre s'est aussi fait sentir pendant les périodes dites de faibles demandes. En effet, de nos jours, le déséquilibre entre l'offre et la demande ne se limite plus uniquement aux périodes précises, à savoir l'été (fêtes familiales) et le mois de Ramadhan. La tension sur le produit carné blanc a fini par s'installer petit à petit à longueur d'année. Quelles sont les raisons de ce recul de la production ? En 2007, on invoquait la cherté sur le marché du maïs et du soja, entrant en grande proportion dans la composition de l'aliment spécifique à l'élevage du poulet de chair dans ses trois phases : démarrage, croissance et finition. En 2008, les cours du maïs et du soja se sont effondrés. Mais cela n'a eu aucune incidence sur les prix au détail. Pis, ils sont restés sensiblement élevés et, quand ils ont régressé quelque peu, ce n'était en fait qu'une accalmie provisoire, la tendance à la hausse reprenant aussitôt. Il faut donc chercher une autre ou d'autres raisons à la cherté de la viande blanche. Des experts avancent que 90% des intrants avicoles (aliment de bétail, matériel biologique, produits vétérinaires, équipements) proviennent de l'étranger, cela engendre une hausse des coûts de revient à la production qui se répercute sur les prix au kilogramme sur les étals des détaillants.Du côté de l'Association nationale de filière avicole (ANAF), on soutient que la situation de tensions à répétition sur le poulet et à longueur d'année n'est plus conjoncturelle comme c'était le cas auparavant, mais elle est devenue prévisible. Selon le président de l'ANAF, M. Mezouane, la filière n'a cessé de faire face à des déboires successifs. «Dans la filière, les années difficiles se suivent. Ce qui a poussé de nombreux aviculteurs à cesser toute activité. Le reste, c'est-à-dire les gros producteurs, car les petits se sont vite rendus à l'évidence de la non-rentabilité de leur activité, n'ont pas arrêté d'interpeller, par le biais de leur représentant, le ministère pour qu'il se penche sur l'avenir de la filière considérée par ces professionnels comme étant en ruine», nous a déclaré ce dernier. Pour sa part, un professeur à l'Institut national supérieur agronomique (ex-INA), Ahcene Kaci, estime que le coût de revient à la production reste élevé en raison de la mauvaise maîtrise des conditions d'élevage. Il en donnera pour preuve «les déperditions dans l'aliment. Le niveau des importations de l'aliment a atteint les 900 millions de dollars en 2009 mais la production n'a pas suivi à cause du gaspillage de l'aliment alors que, vu le montant élevé de son importation, la rationalisation des moyens de production s'impose». Il signalera également que le taux de mortalité dans les bâtiments reste élevé. «Cela démontre qu'un grand nombre de nos aviculteurs n'arrivent toujours pas à donner l'importance qu'il faut à l'hygiène dans les bâtiments d'élevage.» Au sujet de la cherté du poulet, M. Kaci a précisé dans sa conférence qu'elle est en grande partie due «au maintien d'un taux de profit élevé en aval par rapport au secteur de production». Et d'ajouter : «Ce qui explique le peu d'intérêt accordé par les aviculteurs à la maîtrise technique et, donc, à la capitalisation du savoir-faire.» On apprendra également que l'Algérie ne dispose pas d'une industrie d'équipements avicoles. D'où la dépendance à l'égard des marchés extérieurs et, par voie de conséquence, l'approvisionnement des populations urbaines en protéines animales de moindre coût ne peut être assuré dans l'immédiat. Pour inverser la tendance, les spécialistes préconisent de nouvelles formes d'intervention dans la filière à même de stimuler la production et la réduction des coûts de production actuellement très élevés.