La Conférence internationale d'Istanbul sur la Somalie, présidée par le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies Ban Ki-moon, s'est clôturée sans réelle avancée. Pourtant, ce pays semblant vivre hors du temps ne veut qu'une chose : sortir au plus vite de l'anarchie et du chaos généralisé. Le président somalien Cheikh Charif Ahmed profite de la tribune turque pour demander à la «communauté internationale» de l'aider à sortir de cette instabilité qui s'avère tenace. Mais vraisemblablement les pays capables de peser sur les événements n'en ont plus les moyens. Ou peut-être pour des raisons de stratégie ne veulent-ils pas trop s'engager dans un conflit qui brille par sa complexité. Les résultats mitigés de cette réunion patronnée par les Nations unies illustrent bien la difficulté du cas somalien. La conférence stambouliote s'annonçait déjà sous de mauvais auspices. Aucun pays africain ni arabe, en effet, n'avait fait le déplacement. C'est dire l'isolement dans laquelle se trouve ce pays de la Ligue arabe depuis 1975. La conférence d'Istanbul a surtout tenté de maintenir en vie le processus de paix de Djibouti, recommandant fermement au gouvernement transitoire de composer avec les régions sécessionnistes du Somaliland et du Puntland. Les deux territoires en question seront les deux dossiers les plus laborieux à régler dans les années à venir. La déclaration finale recommande sans conviction aux nations d'Afrique de renforcer le contingent de l'Amisom présent, pour atteindre les 8 000 hommes prévus. La mission dotée actuellement de 6 000 Ougandais et Burundais semble avoir du mal à contrer les contrecoups des milices. Les autres mesures décidées lors de la conférence seront extrêmement difficiles à mettre en place sur le terrain mouvant de la Somalie. La lutte contre le phénomène de la piraterie ne connaîtra pas avant longtemps de solutions palpables comme souhaité. Les causes profondes qui poussent à ces actes de désespoir sur la côte et à l'intérieur du territoire somalien sont toujours présentes. Pour certains spécialistes, le piratage maritime reste une réaction des Somaliens face au pillage des ressources halieutiques initié par certains Occidentaux. Le phénomène de la piraterie sur les côtes somaliennes qui a défrayé la chronique demeure d'actualité. L'activité des pirates aurait baissé, comparé à l'intensité des prises d'otages de bateaux en 2009. Les moyens de surveillance mis en place dans la zone semblent jouer un rôle incontestable. Récemment, un pétrolier russe, en route vers la Chine avec une cargaison de pétrole s'élevant à 50 millions de dollars a été visé. Les 23 membres de l'équipage du pétrolier russe se trouvaient dans le golfe d'Aden lors de l'attaque, à 800 km des côtes somaliennes. Ces derniers auraient directement alerté les forces concernées et un navire de guerre russe se serait immédiatement dirigé vers eux. Selon le Bureau maritime international, 17 attaques de pirates auraient été enregistrées dans le golfe d'Aden au cours du premier trimestre 2010 contre 41 pour le premier trimestre 2009. Le fait que les bateaux optent pour le contournement de la Corne africaine au lieu de prendre le raccourci de la mer Rouge malgré le coût engendré a eu son effet sur les attaques. De plus, sur le territoire somalien, les pirates sont stigmatisés, voire contrés par les chebab. Par ces actes, les chebab entendent faire la démonstration de leur pouvoir et engranger plus de popularité que le pouvoir en place. Après les Tribunaux, les chebab Qui sont les chebab (jeunes en arabe) qui contrôlent quasiment le pays au point que leur évocation rime avec Somalie ? Ce mouvement islamiste prône un nationalisme pur et dur contre l'envahisseur qui pourrait être les troupes éthiopiennes ou autres. Pour sortir le pays du chaos dans lequel il était plongé à la fin des années 1990 (après le retrait précipité des Américains et des soldats de l'ONU), des organisations islamistes se sont unies autour d'une lame de fond appelé Tribunaux islamiques. C'est ces derniers qui donneront naissance au mouvement chebab. En 2007, l'Éthiopie, sous instigation américaine, envahit la Somalie dans le but de déloger les Tribunaux islamiques devenus par trop dangereux dans une région explosive. Les tribunaux croulent sous les coups de boutoir de l'armée éthiopienne. S'arc-boutant sur le sentiment nationaliste très présent en Somalie, les chebab prennent le relais pour chasser l'envahisseur. Ses combattants redoublent de radicalisme. Mais aujourd'hui, l'actuel gouvernement somalien, qui a conclu une alliance avec les Tribunaux islamiques, semble ne plus rien contrôler. Présent dans une partie de la capitale gardée par des soldats des forces de l'Union africaine, le gouvernement en place vit en décalage avec la réalité sur le terrain. Et paradoxalement une intervention étrangère en sol somalien pourrait fortement renforcer la popularité des chebab. Pour l'heure, les troupes étrangères jouent un rôle jugé a minima en Somalie. Plus de 5 000 personnes provenant du Burundi et de l'Ouganda sont actuellement employées par la mission. Cette dernière a été ordonnée par le Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine avec l'accord des Nations unies depuis janvier 2007. Devant la perpétuation de l'instabilité, la période initiale de 6 mois est prolongée à plusieurs reprises. L'objectif principal de l'Amisom est de «fournir un soutien aux Institutions fédérales transitoires (TFG) dans leurs efforts de stabilisation du pays et dans la poursuite du dialogue politique et de la réconciliation». Mais sur le terrain, la réalité est autre. La mission se retrouve cantonnée à assurer l'acheminement de l'aide humanitaire. Ses éléments sont souvent pris entre le feu des chebab et celui des troupes gouvernementales.Ainsi, près de vingt ans après la chute de Siad Barré, la Somalie, engluée dans un chaos généralisé, n'arrive toujours pas à construire un État stable. Les Américains s'y sont embourbés en 1992-1993 lors de l'opération «Restore Hope». Les troupes éthiopiennes ont évacué précipitamment le pays après l'avoir occupé entre 2006 et 2009. Le gouvernement national dans une transition qui dure a du mal à contrôler le territoire où règnent en maîtres les chefs de guerre et les milices. M. B.