Les fortes dépenses annoncées pour le plan quinquennal 2010-2014 suscitent et susciteront des débats, des critiques, des polémiques, des soutiens conditionnés, d'autres inconditionnels et beaucoup d'indifférence chez les citoyens lambda pour lesquels les sommes qui valsent sont purement surréalistes. Il n'y a rien d'anormal à voir toute une série de réactions diversifiées et même débridées. Toutes les outrances et surenchères, dans tous les sens, sont et seront exactement proportionnelles au gigantisme de la manne financière qui va être mise sur le marché, dans presque tous les secteurs et domaines. Comme dans une catharsis au sommet à laquelle les syndicats, les élites indépendantes et, bien entendu, les associations, les élus et les citoyens ne sont pas conviés, des voix autorisées se font entendre. Des économistes et experts, des entrepreneurs du secteur privé, la faune de blanchisseurs d'argent (immobilier, presse écrite, commerce informel hors circuits légaux, opérateurs étrangers…) chacun ira de son discours, de ses ruses et manigances, pour essayer, et souvent réussir, d'avoir sa quote-part d'un trésor fabuleux qui fait saliver tous les prédateurs. Et le meilleur transport demeure le sachet noir, voyageur nocturne et insaisissable. Si beaucoup de structures, de ministères, de personnes physiques, avec juste raison, s'intéressent au plan en question, se manifestent et le font savoir, d'autres espaces, par contre, gardent et garderont le silence, sans doute éblouis par le nombre de zéros qui accompagnent les milliards en dollars ou en dinars. Les médias lourds seront absents d'éventuels débats contradictoires, tout comme le Parlement qui crédibiliserait le plan, lui assurerait les protections vitales par l'association, dans le débat, des partis, syndicats, commissions spécialisées, etc. Ces silences ou effacements habituels mais inscrits dans une culture générale se trouvent, paradoxalement, renforcés par d'autres acteurs qui, jusqu'à nouvel ordre, se trouvent exclus dudit plan qui, normalement, doit les intéresser comme beaucoup d'autres. Les artistes, les intellectuels, les créateurs dans la musique, le film, l'audiovisuel, le livre, la danse, le cirque, la bande dessinée, le théâtre (public et privé), les humoristes et tous les autres saltimbanques et faiseurs de rêves constituent actuellement la véritable grande muette. Ils voient passer la ronde des milliards et ne savent pas comment exister et faire entendre leur musique aussi nécessaire que le pain, le logement, l'école ou la santé.Sans organisations fiables, démocratiques et crédibles, tout ce beau monde s'obstine à maintenir un statu quo qui lamine pas à pas le champ culturel, des loisirs et des manifestations festives. Inlassablement, dans l'aigreur, l'égoïsme, ceux qui sont censés être une avant-garde éclairée par des savoirs, des savoir-faire, des diplômes, de l'expérience, l'art de faire rêver et de faire avancer les consciences, frappent aux mêmes guichets. Ces derniers, pour certains, dépendent du ministère de la Culture qui ne peut débourser qu'à hauteur de son budget dérisoire alors que la création coûte cher, même si elle peut rapporter gros. L'autre guichet pour le film et la production TV est situé dans l'enceinte d'une seule chaîne de télévision qui a une existence légale et un statut juridique (EPIC). Mais on a tout dit et écrit sur le paysage audiovisuel national, le plus rachitique du monde.Néanmoins aujourd'hui, le plan 2010-2014 peut ouvrir des portes, apporter de l'oxygène et libérer les énergies et la création pour peu que les principaux concernés se libèrent de la mentalité et de la culture de l'assistanat. Avec les pouvoirs publics et le secteur privé, des voies peuvent être défrichées et empruntées en passant par le débat public dans les médias lourds. Au Parlement, dans les forums et colloques ad hoc pour qu'une partie de l'argent dégagé pour le plan quinquennal serve à générer des industries culturelles. Cependant, la première condition serait que le monde de la culture soit organisé et capable de faire des propositions dans chaque secteur. Amen ! A. B.