De notre correspondant à Constantine A. Lemili Menées tambour battant depuis le début de l'année 2009, autrement dit, le trimestre qui a suivi l'arrivée de son nouveau directeur, les activités du Centre culturel français se sont quelque peu encalminées. Cela non pas en raison d'un essoufflement mais probablement à cause de l'événement mondial qui se déroule en Afrique du Sud, un Mondial de football lequel, est-il besoin de le souligner, a littéralement déconnecté la planète des autres réalités. Le temps a donc suspendu son vol durant juste un mois pour le CCF. Il l'est depuis plus d'une décennie pour le reste des institutions culturelles locales. A l'exception de quelques militants rêveurs qui croient crânement en leur possibilité de renverser la vapeur et qui s'évertuent encore à hanter les espaces que mettent à leur disposition les maisons de jeunes, art et culture, si devait être attendue l'implication des acteurs nationaux ès- qualité, sont partis pour ne plus s'extraire du néant. S'agissant donc du Centre culturel français, autant dire qu'il paraît d'abord légitime pour son directeur d'attendre et aussi d'astreindre ses collaborateurs à faire en sorte que les vides sidéraux laissés vacants soient occupés. Il s'agissait donc de prendre la jeunesse pour première cible. Evoquer les jeunes, c'est obligatoirement établir la spécificité de leurs «besoins» en matière de culture, toutes actions confondues. L'ancien directeur du Centre culturel français n'avait sans doute pas saisi pleinement la nuance, sinon sa hiérarchie, parce que, nostalgique de ce qu'avait été le CCF il y a une trentaine d'années, lui a imprimé une politique culturelle à l'endroit d'une élite laquelle, en réalité, n'était plus, ou, désabusée avait pris ses distances par rapport à toute forme d'effervescence culturelle d'où qu'elle vienne. Pour la simple raison qu'un ressort s'était, entre-temps, cassé et le charme définitivement rompu. En tout état de cause, notre interlocuteur a évacué d'un revers de main toute allusion au bilan de son prédécesseur en y apportant les arguments. «Je n'ai franchement pas à juger la qualité des prestations du CCF avant mon arrivée, c'est aux Constantinois et aux adhérents du centre d'en faire l'évaluation. Ceci étant, il faut souligner que mon prédécesseur devait relever un gros challenge, c'était rouvrir le centre longtemps fermé pour des raisons sur lesquelles il n'y a pas nécessité de revenir. Je peux donc vous assurer qu'il ne s'agit point d'une sinécure dans ce cas précis», dira-t-il. Il est vrai que reconquérir un public dans une conjoncture délicate était un pari difficile à relever et qui s'est confirmé a posteriori au vu du très relatif engouement d'une population locale beaucoup plus préoccupée par des contingences immédiates qui lui font renvoyer à des calendes grecques toute velléité au festif. «Quand je suis arrivé, j'ai remarqué que les activités du centre privilégiaient un public érudit, savant, composé d'étudiants, un public important quand même, à Constantine étant effectivement une ville de Savoir. Mais j'ai pensé également qu'il était utile de proposer du divertissement, une activité relativement modeste à Constantine en dehors des activités proposées par le TRC. J'ai remarqué aussi qu'il n'y a pas de salles de cinéma qui fonctionnent. L'idée maîtresse était donc de proposer un divertissement tous publics, pour les jeunes, pour les familles. D'où l'organisation de concerts de jazz, de rock, de musique classique, des DJ, du rap, de la chanson française, Cheikh Sidi Bémol, du théâtre, des expositions d'artistes algériens et notamment des Constantinois, du conte pour les enfants en liaison avec la ville de Grenoble et la collaboration de l'APC locale», ajouter-t-il. La nouvelle direction, prônant l'échange diversifié, s'alliait avec aisance aux institutions locales, qu'elles soient élues, corporatives ou professionnelles, pour animer les activités du CCF sans pour autant se détacher des créneaux essentiels mais surtout habituels aux yeux d'une autre partie du public, voire des adhérents en assurant les prestations de la bibliothèque (1 300 adhérents et 35 000 ouvrages), les cours de français. Mieux le CCF ne se contente pas seulement de disposer d'une culture strictement francophone dans la mesure où, en collaboration avec l'université des sciences islamiques deux conférences en langue arabe y ont été tenues. L'institution privilégiant donc de plus travailler avec le pôle universitaire pour des actions bien précises. Le souhait, bien entendu, étant que ce soit plus le public arabophone qui se rapproche du centre. Ce qui serait d'ailleurs le cas. Quant à la question de l'équation offre-demande, notre interlocuteur reste persuadé qu'«au niveau de la bibliothèque, il y a encore de la place pour plus d'adhérents. S'agissant de la musique, nous nous sommes rendu compte que certains types de musique plaisent à un public et pas à un autre. Quoi qu'il en soit, nous nous adaptons aux situations et la propension du centre à organiser un petit concert sur les lieux même ou à recourir à un espace externe (ABC) pour une manifestation plus importante, est aujourd'hui incontestable. Mais tout cela n'empêche pas que tout peut être perfectible...en somme qu'on peut toujours mieux faire. L'essentiel est que nous sommes parvenus à toucher un public assez large et que nous commençons surtout à le fidéliser. Notre objectif étant forcément de valoriser la culture française mais sans rien imposer à quiconque. Nous pouvons d'ailleurs vous assurer que nous n'avons que des motifs de satisfaction depuis notre arrivée à Constantine qui est une ville superbe, a une population hospitalière et généreuse», estimera le directeur du CCF. Au rayon des projets notamment ceux qui lui tiennent à cœur, il envisagerait de faire venir un membre de l'Académie française à Constantine et/ou une personnalité prestigieuse «surtout une personnalité prestigieuse qui serait liée à l'Algérie.. .un académicien né dans ce pays. Au niveau des spectacles, j'ai envie d'essayer la danse parce qu'il n'y en a pas souvent, le hip-hop également et surtout faire venir un magicien de music-hall», précisera-t-il. Dans un univers local pratiquement désertique, il ne reste plus qu'au CCF à assurer et…,assumer le farniente que se sont d'autorité attribué les responsables locaux de la culture, en particulier et des pouvoirs publics, en général. Et bien évidemment, à chaque fois que l'occasion est donnée à ces responsables de la culture, ils parlent d'une «colonisation culturelle qui ne dit pas son nom» qui serait la stratégie fondamentale des responsables du CCF. Il est connu que lorsqu'un chien est susceptible d'être abattu, le meilleur raccourci est de le suspecter d'avoir la rage.