Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Silence impressionnant au moment de la projection du documentaire réalisé par F. Djouama, vidéaste constantinois, sur le parcours d'un militant de la culture, en l'occurrence Brahim Amouchi, décédé il y a vingt ans après une vie extraordinaire jalonnée de toutes les expériences possibles du mouvement associatif, artistique et culturel. Ils sont venus, ils sont tous là, aurait dit un chanteur connu. Même ceux qui n'ont pas pu faire le déplacement se sont fait rappeler au bon souvenir des anciens, par personnes interposées. Ce silence impressionnant n'était entrecoupé de temps à autre que par un murmure à partir du moment où l'un des spectateurs revoyait, à mesure que défilaient des images d'archives datant parfois d'un siècle, reconnaissait qui un voisin, qui un parent et parfois soi-même pour les plus âgés. Il ne se trouvait pas une seule personne sur la centaine présente qui n'eût pas repéré au moins un visage connu. Bien sûr, une fois le documentaire terminé, la discussion s'est engagée. Pas question de parler de débat mais plutôt de discussion parce que chacun des intervenants n'avaient pas de raison d'y mettre la forme, et deux fois plus qu'une s'il s'agit de celle académique. L'un se souvenait de Brahim Amouchi en en parlant avec la ferveur de l'élève à l'endroit de son maître, un autre sur un ton de rojla (machisme) évoquant un homme qui en imposait par sa droiture, sa justesse de vue et sa disponibilité à l'endroit de ceux qui en avaient besoin et peu importe leur origine. Les plus âgés parmi les invités et qui ont eu l'avantage de le connaître et surtout de le côtoyer, à l'image de Si Darsouni ou de notre confrère et tout autant artiste Ahmed Remita, souligneront la qualité de visionnaire du défunt. Ils diront de Brahim Amouchi qu'il n'était pas seulement un musicien, un artiste, un homme de théâtre, un scout mais plus particulièrement quelqu'un qui s'adaptait à toutes les situations, arrondissait les angles avec une facilité déconcertante et mettait en accord parfait tous les antagonistes possibles d'une affaire, d'une situation, etc. Il n'en demeure pas moins qu'il ne suffit pas d'évoquer une telle personnalité entre nostalgiques et ensuite de quitter la salle pour ne plus y revenir ou ne se revoir que s'il y a l'hommage rendu à une autre illustre figure de Constantine qui serait entre-temps passée de vie à trépas. Et c'est un peu la conclusion à laquelle est parvenue l'ensemble de l'assistance qui a souhaité de vive voix et donc en présence du directeur de la culture que le parcours du défunt soit immortalisé en inscrivant son nom au fronton d'une enceinte culturelle ou une place publique. Tlili Foughali, le nouveau directeur de la culture, qui prendra la parole, a affirmé sa conviction à aller forcément dans le sens des vœux des personnes présentes, sauf que, précisera-t-il, une telle mesure ne se fait pas sur un claquement de doigts ou en composant un numéro de téléphone. L'octroi d'un nom à un édifice ou une place obéit effectivement à une démarche et des procédures administratives dont disposent les textes réglementaires. Le responsable de la culture, renvoyant subtilement la balle à ceux qui l'interpellaient en tant que représentant de l'administration locale dira : «Avez-vous eu une quelconque velléité en ce sens ? Bien évidemment non ! Je vous dis mieux ou plus grave encore… il y a à peine un trimestre que je suis là, savez-vous par exemple que, s'il existe des édifices culturels portant le nom de Malek Haddad, Mohamed Laïd El Khalifa, Benbadis, il s'en trouve malheureusement au moins une demi-douzaine à Constantine qui sont encore orphelins d'une appellation… le nom d'un enfant de Constantine ou, peu importe, d'un autre Algérien.» La voie est donc tout indiquée. Reste à savoir maintenant si ceux qui ont soulevé la question vont saisir la perche tendue par le directeur de la culture et la prendre à bras-le-corps. L'avenir les jugera d'ailleurs pour ça.