De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Beaucoup d'élus de la région de Kabylie estiment qu'ils sont les boucs émissaires de la grave situation de sous-développement économique et social que subissent leurs localités et rejettent la responsabilité de l'absence de volonté politique de sortir la région de ce marasme généralisé sur l'administration centrale et locale. Si la position des élus est peu enviable eu égard aux reproches permanents dont ils sont l'objet de la part de la population qui les accusent, à tort ou à raison, des multiples maux de la cité, il reste que certaines doléances des habitants trouvent justification dans le manque d'initiatives et de concertation et de formation des élus des partis politiques, toutes tendances confondues. Ces rapports tendus, empreints parfois de manigances entre les élus, l'administration et les «administrés» étaient moins médiatisés, rarement portés à la connaissance de l'opinion publique du temps du parti unique, le FLN. Ils ont tendance actuellement à être posés dans l'ordre du jour de réunions publiques et reviennent dans les discussions quotidiennes des concernés, souvent des mécontents et des protestataires. Cela dit, les nombreuses actions de blocage et de fermeture et même de saccage des bureaux des sièges d'APC, les lettres de dénonciation des élus locaux adressées aux ministères et au chef de l'Etat, le retard dans le vote des délibérations, l'apparition des pouvoirs publics, qui sont logiquement les «acteurs» majeurs de toute situation délétère au sein des communes de la Kabylie, dans le rôle de médiateur dans les conflits entre les exécutifs communaux et la population, parfois la rupture et le retrait ou le non-renouvellement de la confiance sont des indices visibles de la détérioration des rapports entre ces parties qui ne s'accordent pas sur un minimum de gestion des biens et des projets de la collectivité. Loin de constituer une exception, des partis dits de l'opposition accusent même l'administration de «manipulation» de comités de village qui sont dans ce cas retournés contre les élus quand les revendications de la population ne sont pas prises en charge en vue de «discréditer les représentants du peuple». Pour se défendre contre ces «plans de dévalorisation des élus», ces derniers ont bien des réponses à toutes les questions au sujet de leur rôle jugé faible par les observateurs dans la machine du développement local. Cette semaine, ce sont les élus du RCD de la wilaya de Tizi Ouzou qui ont relevé dans une déclaration une volonté du ministre de l'Intérieur de vouloir reporter la réforme du code communal et de wilaya afin «d'occulter» l'idée du statut de l'élu. En gros, les élus pensent qu'il y a tellement de problèmes à gérer dans les localités de Kabylie que la responsabilité d'une telle situation catastrophique doit être partagée au moins par l'ensemble des intervenants à tous les niveaux de réflexion et d'exécution. Installées dans un sous-développement endémique, les communes de cette région pourtant très proches de la capitale du pays et riches en potentialités et ressources naturelles et humaines ne trouvent pas pour le moment de solutions aux sensibles questions du développement local. L'absence de petites industries qui enfonce davantage la jeunesse dans le chômage, un réseau routier faible, ne répondant pas à la demande des usagers ni aux normes, un faible taux de pénétration du gaz de ville, des réseaux AEP désuets, des moyens de transport tout aussi faibles et de mauvaise qualité, un ramassage scolaire très peu satisfaisant et irrégulier etc. «les problèmes ? Il n'y a que ça», nous répond le maire d'une localité du nord de Tizi Ouzou. Les élus jugent que les enveloppes allouées au titre des Programmes communaux de développement (PCD) sont trop faibles pour parer au plus pressé. Dénoncant le retard dans l'approbation des budgets, ils demandent la décentralisation des opérations d'aménagement urbain, le respect des prérogatives constitutionnelles de l'élu, plus de liberté d'entreprendre, le respect des lois et du code communal, un statut de l'élu, la réforme de la fiscalité communale pour permettre au maire de disposer de plus de moyens pour la réalisation des projets… La bonne gouvernance n'est donc pas pour demain en Kabylie.