Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad L'insalubrité publique colle aux villes et villages de Kabylie comme jamais auparavant au point de constituer l'un des principaux sujets des campagnes électorales menées dans la région, ces dernières années, au moment où les solutions des autorités locales de la wilaya de Tizi Ouzou restent, au pire, contreproductives et, au mieux, inefficaces. Et les dépotoirs sauvages qui poussent dans tous les coins sont en passe de devenir l'une des caractéristiques du relief urbain et rural kabyle. Tout est enlaidi, de la nature aux espaces publics d'envergure, les rues, les placettes publiques, les quartiers, les semblants de villes... Sur ces sites, pourtant domaine exclusif de l'homme, les petits rongeurs et toutes sortes de bestioles qu'on croyait bannis par le développement humain ont refait leur apparition, occupant sous les yeux des résidants et des passants les lieux même pendant la journée, avec tous les risques sur la santé publique. Les chiens et chats errants se donnent tous les jours rendez-vous sur les sites des ordures qui débordent des bacs. Des eaux usées coulent dans les rues de beaucoup de chefs-lieux de commune sans susciter l'inquiétude des responsables ou des riverains. Des maladies d'un autre temps, souvent sous forme d'épidémies, ont déjà fait des victimes à Tizi Ouzou. Ainsi, au niveau de la majorité des chefs-lieux de commune, notamment au chef-lieu de wilaya, le problème du déficit en effectifs et celui des moyens matériels sont souvent mis en avant pour justifier l'état sale de l'environnement et la très mauvaise prise en charge des rejets ménagers et industriels dans les milieux urbains et suburbains de la wilaya de Tizi Ouzou. «Le parc matériel et les moyens humains destinés au service des réseaux divers et de la voirie de la commune sont insignifiants. C'est grâce à notre seule volonté, celle des pauvres agents de nettoyage en premier lieu, que nos rues et places sont plus ou moins présentables, sinon ç'aurait été pire !» soulignera l'élu d'un pôle urbain de la wilaya de Tizi Ouzou. Lors des sessions du conseil de wilaya de Tizi Ouzou ayant pour ordre du jour les questions de l'environnement et d'hygiène, des élus ne cessent de revendiquer la revalorisation des effectifs et la dotation des services de la voirie de matériel fiable pour éviter les pannes. Dans le même sillage des «débats d'actualité» entamés pour la campagne électorale, les municipales partielles du 29 novembre 2007, des têtes de liste de toutes les couleurs politiques ont promis un travail sérieux sur l'hygiène et la propreté dans les villes de la wilaya de Tizi Ouzou, mais une fois portées aux commandes des exécutifs communaux, ces mêmes élus ont tourné le dos à leurs promesses. Aussi, l'échec aujourd'hui avéré des pouvoirs publics à gérer l'opposition des habitants aux projets d'implantation des décharges publiques communales ou intercommunales est un indice révélateur de la faillite de toute la politique (si politique il y a, devrions-nous nous interroger) de prise en charge de ce volet capital dans la vie moderne qui intègre développement et environnement. En 2007, il a été fait appel par la Direction de l'emploi de Tizi Ouzou à des entreprises, dans le cadre des dispositifs d'aide aux jeunes chômeurs pour prendre en charge «en urgence» les problèmes d'hygiène qui commençaient à faire des vagues au sein des habitants révoltés qui faisaient voir leur mécontentement par la manière forte. Financé par l'Agence du développement social (ADS), du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le projet n'avait pas atteint ses objectifs de nettoyer et d'embellir les hideux décors urbains de Tizi Ouzou, dont le chef-lieu de wilaya était pourtant classé le plus propre d'Algérie à la fin des années 1960 et début des années 1970. L'entretien des caniveaux et des accotements des routes, le curage des fosses, le ramassage des ordures et l'aménagement des espaces verts faisaient partie des créneaux visés par ledit projet. Les chômeurs n'étaient pas du tout attirés par les clauses du contrat proposé, jugé précaire et esclavagiste par des connaisseurs du monde du travail qui avaient surtout relevé des «salaires misérables» plafonnés au SMIG. La fin triste d'un projet qui n'est pas sans rappeler celle d'un tout autre projet pourtant promis à de meilleurs résultats : opération «Blanche Algérie» qui n'a laissé aucun bon souvenir, aucune action particulière en faveur de l'environnement dans la tête des résidants. Après tant de beaux discours devenus à la mode sur la nécessité de protéger la nature et de défendre l'environnement en plénière, on est toujours soumis à la même torture, au même désastre environnemental : ramassage approximatif et irrégulier des ordures ménagères, amoncellement d'immondices, parfois de plusieurs semaines ou mois devant les accès des cités et villages, des bacs à ordures qui débordent de tous les côtés, dépôt des ordures à même le sol, etc. Et l'incivisme ambiant achève de tuer tout espoir de revoir notre milieu de vie reprendre des couleurs.