Photo : M. Hacène Entretien réalisé par Karima Mokrani La Tribune : L'année 2010 a enregistré un nombre très élevé de reçus au baccalauréat. L'Université de Dély Brahim s'est-elle préparée pour un tel flux ? Rezig Abdelwahab : Dans les pays avancés, les taux de réussite au baccalauréat approchent les 100%. Est-ce qu'on dit que le nombre est élevé ? Non. Le problème ne se pose pas en termes de quantité, mais de qualité de l'enseignement qui sera dispensé à ces nouveaux bacheliers. Conjuguer la qualité avec la quantité, c'est cela notre grand défi. C'est pour le bien des étudiants et de toute la société de façon générale. Toute nation a besoin d'une élite. Qu'est-ce qui est justement fait à votre niveau pour préparer cette élite, d'autant que le LMD s'est généralisé à toutes les filières, alors qu'il continue de susciter des appréhensions ? Dans tout système de réforme, il y a des appréhensions somme toute légitimes. En Algérie, le LMD est nouveau et tout ce qui est nouveau fait peur, c'est normal. Or, ce système a fait ses preuves ailleurs. Quand j'étais désigné recteur, j'ai été voir les étudiants dans les amphithéâtres. Je les ai écoutés. Nous avons parlé de ce système et des chances des uns et des autres d'accéder au marché du travail. J'ai cité le prix Nobel d'économie, Paul Summerson. Que disait ce dernier à ses étudiants ? Il leur disait que leur source rare, ce n'est pas l'argent ou autre chose, mais le temps. Le temps est la source rare de l'étudiant. Il doit l'utiliser de la manière la plus rationnelle de façon à ce qu'il ait la meilleure note possible à la fin de son cursus universitaire, rentrer dans le marché du travail dans les meilleures conditions possibles et obtenir un meilleur emploi le plus vite possible. Les étudiants approuvent. Mieux, ils acceptent la différenciation et la compétition. Ils m'ont toutefois fait part de leurs inquiétudes concernant notamment les difficultés de trouver une place dans une entreprise nationale, publique ou privée, pour un stage de formation. J'ai noté leurs doléances. Le 19 juin dernier, j'ai invité des patrons d'entreprises et je les ai réunis avec les étudiants. Un de ces patrons a montré sa disponibilité à recruter 120 sortants de l'université, mais il les a prévenus qu'il veut des cadres de qualité. Il a insisté sur la qualité. D'autres ont fait de même. Voilà pourquoi j'insiste sur le fait que l'université algérienne doit s'ouvrir sur le monde extérieur. J'insiste aussi sur le fait que les patrons d'entreprises économiques doivent nous aider dans la confection des programmes. La particularité du LMD, c'est la flexibilité. Chaque fois qu'il y a nécessité d'apporter des changements dans les programmes dispensés, nous le faisons. Nous devons toujours être à la page, nous adapter aux développements économiques, sociaux et autres. L'autre particularité du LMD, c'est l'interactivité. L'étudiant n'est pas passif. Plus de 4 600 étudiants sont inscrits dans la faculté des sciences économiques, de gestion et de commerce. Comment allez-vous les recevoir ? Je me suis réuni avec les doyens de l'université, et nous avons fait des scénarii. La première chose sur laquelle j'ai insisté, c'est l'encadrement. J'ai dit que pour la première et la deuxième années, l'encadrement doit être assuré par des professeurs et des maîtres de conférences. Pas d'assistants. Ce n'est pas leur job. J'ai aussi exigé que des plans détaillés, concernant le programme de toute l'année, soient remis aux étudiants. L'étudiant doit savoir ce qui va se faire tout au long de l'année. Autre chose sur laquelle j'ai insisté, la qualité de l'enseignement et le bon accueil des étudiants là où ils se trouvent (salles de TD, salles de conférences, bibliothèques…). J'ai insisté aussi sur le respect de l'horaire. Dieu merci, nos enseignants respectent l'horaire de travail. Le niveau de nos étudiants ne doit pas être inférieur à ceux des autres. L'autre point qu'il ne faut pas négliger, la relation pédagogique entre l'enseignant et l'étudiant. J'ai demandé à ce que les comités pédagogiques soient redynamisés de la manière la plus efficace possible. Et pour ce qui est de l'infrastructure d'accueil ? 4 600 étudiants dans un seul amphithéâtre, ce n'est pas possible. J'ai dit aux doyens qu'il faut diviser les étudiants en sections. Il ne faut pas qu'il y ait plus de 400 à 500 étudiants dans un amphithéâtre et plus de 25 à 30 étudiants dans un groupe. Nous allons prendre d'autres amphithéâtres. Nous en avons. Ce ne sont pas les espaces qui manquent, mais c'est leur utilisation qui pose problème. Nos salles de TD et de conférences ne sont pas utilisées de manière rationnelle. C'est pourquoi j'ai demandé aux doyens de recenser toutes les salles vides de façon à pouvoir les utiliser convenablement. A la nouvelle école de journalisme, que les étudiants appellent «Le Bateau» (elle abrite provisoirement les étudiants en master en sciences politiques et sciences de l'information), le nombre d'étudiants en première année sciences politiques ne dépasse pas 25 dans le groupe. J'ai contacté le Dr Brahimi et je lui ai demandé de m'informer s'il a des salles vides, en fonction de son emploi du temps. Nous nous sommes convenus de les utiliser chaque fois qu'il y a possibilité de le faire. Nous avons déjà organisé des conférences dans ce nouvel établissement. Aussi, avons-nous demandé, les locaux utilisés par l'Université de formation continue (UFC) au Carroubier devraient nous être libérés chaque samedi matin (les cours de l'UFC étant assurés uniquement le soir). C'est toute une gymnastique… La gymnastique, c'est partout, nous sommes obligés. Je vous cite un exemple : moi, je faisais un cours qui se terminait à 17 heures. Je voyais que les filles partaient à 16h30mn. Quand j'ai demandé pourquoi, elles m'ont répondu que c'est à cause du transport. Il y a un problème de transport, surtout pendant la période hivernale. C'est un problème et il faut le régler. Nous avons contacté l'Office national des œuvres universitaires (ONOU) et ses représentants se sont engagés à trouver une solution. Nous travaillons en étroite collaboration. Pour l'infrastructure pédagogique, il n'y a donc pas de problème ? Normalement, il n'y en a pas. Bien sûr, s'il y avait d'autres structures, ce serait mieux, mais c'est ce que nous avons pour le moment. Je vous assure que nous nous préparons de façon à ce que la qualité ne soit pas lésée. C'est cela le défi à relever. En tout, l'Université de Dély Brahim comprend 45 000 étudiants. Les nouveaux inscrits sont de l'ordre de 6 400. Quel est le nombre des sortants ? Nous avons près de 8 000 sortants. Ceux qui rentrent sont moins nombreux que ceux qui sortent. Vous êtes donc à l'aise ! Relativement à l'aise. Car, pour les deuxième et troisième années, c'est parfois le goulet d'étranglement.