Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani En ces journées de Ramadhan à Annaba, l'activité se réduit au minimum et tout tourne au ralenti. Une léthargie a frappé toute la ville et les habitants ne sortent que pour faire le marché et rentrent le plus tôt possible pour profiter de la fraîcheur de leur domicile. En effet, la vague de chaleur qui a sévi pendant la première semaine du mois sacré a rendu le jeûne encore plus difficile, la soif étant devenue insupportable pour tous, alors on préfère rester chez soi et réduire ses déplacements en attendant la rupture du jeûne vers 19h25. Dans les rues, la circulation automobile est très fluide et les véhicules passent sans encombre même dans les ruelles où, il y a seulement quelques jours, on passait difficilement. Vers 11 heures du matin, la ville commence à s'animer quelque peu du côté des marchés et des rues commerçantes où l'activité reprend le dessus. Des vendeurs à la criée attirent les clients pour leur proposer leurs marchandises, ustensiles de cuisine, vêtements, chaussures, fines herbes, pois chiches, «warkas», kelb ellouz et autres produits sont disposés pêle-mêle à même le trottoir sous l'œil passif des policiers en faction. Dans la chaleur ambiante d'un été qui persiste, du côté d'El Hattab, le grand marché de la ville, ça grouille, pères de famille, ménagères et vendeurs de tous âges ont envahi les lieux et chacun essaye d'en sortir au plus vite pour rentrer chez lui. Les marchands de fruits et de légumes, en maîtres des lieux dictent leur loi ; les prix sont plus qu'«éloquents» et découragent les plus hardis parmi les clients. Dame pomme de terre trône et nargue à 50 DA le kg, le prix du piment vert comme son nom l'indique est plus que piquant et monte allègrement à 120 DA, haricots, courgettes, laitues, carottes, oignons et autres légumes ont été atteints ces derniers jours d'une «inflammation aiguë» puisque leurs prix ont pratiquement doublé. Les fruits ne sont pas en reste et ont, eux aussi, connu leur période «faste» avec des prix qui rendent amers ces délices de la nature et on n'en achète plus que par livre. Même avec ces prix, c'est le marchand qui décide pour le client, il impose son choix en mettant dans la balance ce qu'il aura pris, c'est-à-dire des produits de mauvaise qualité et juste quelques «bonnes pièces» pour tromper l'œil. Et si d'aventure le client réclame, il se fera rabrouer avec un chapelet d'insultes qui lui feront regretter ses remarques «déplacées». Une situation surréaliste où les rôles sont inversés et que le consommateur accepte la mort dans l'âme. Pour les viandes rouges ou blanches, c'est la galère pour les ménagères qui sont obligées de jouer sur le poids pour pouvoir acquérir cette denrée indispensable pour le jeûneur pris dans le tourbillon des prix et ballotté d'un marchand à l'autre. Le poulet à 300 DA, le veau à 900 et 950 DA et l'agneau à 1 000 et plus dans certains endroits ; une cadence intenable pour les pères de famille pendant tout le mois de Ramadhan avec au finish deux échéances auxquelles il faudra faire face bon gré mal gré : l'Aïd El Fitr et la rentrée scolaire qui pointe du nez. «C'est le calvaire au quotidien, nous dit un fonctionnaire, avec le maigre salaire que je touche, à ce rythme cela ne tient pas une semaine et je suis obligé de recourir à l'emprunt auprès de la famille et des amis, dettes qui vont grever mon budget durant toute l'année pour encore revenir l'an prochain.» Du côté de la Direction de la concurrence et des prix, la mobilisation des brigades de contrôle s'est renforcée dès le début du mois sacré avec pas moins d'une quarantaine de ces entités à pied d'œuvre. Défaut de registre du commerce, d'affichage, d'étiquetage, conditionnement et conservation non conformes, produits avariés et périmés, les services de contrôle de la pratique commerciale, de la qualité et de répression des fraudes ont sévi pendant cette première semaine. Ainsi près de 80 kg de viande impropre à la consommation ont été saisis, des P-V ont été dressés et des amendes ont été infligées. Ces interventions concernent uniquement les commerçants établis et inscrits, ceux installés sur les trottoirs et les marchés non contrôlés ne sont pas inquiétés alors que le mal, tout le mal, réside dans les produits proposés sur le marché informel. La DCP s'en lave les mains et affirme n'avoir aucune forme de pouvoir sur eux, cela relève de la voie publique et donc la balle est renvoyée à la commune qui ne veut pas intervenir de peur que cela ne dégénère en émeutes. On préfère mettre en veilleuse les lois de la République pour avoir la paix sociale. Le prix à payer est élevé, trop élevé, parce qu'il y va de la santé publique et celle-ci coûte très cher… Mais ceci n'inquiète guère les élus qui ne veulent pas se mettre à dos cette armée de revendeurs prêts à en découdre avec tous ceux qui tenteront de les empêcher de gagner leur pain quotidien. Une situation de statu quo qui arrange certains, peu soucieux de la santé de leurs concitoyens et qui écoulent leur marchandise sans problèmes.